CAMP-FESTIF - Quelques Grands Événements - 1886 Les Écoles Saint-Ouen
Page créée le 02.12.2018
 


    2. Historique du Bâtiment
      

        Pierre Sautreuil, Menuisier-Ébéniste, formé comme ses frères, dans l'atelier paternel de l'Épinay, souhaitant “voler de ses propres ailes”, ouvre non loin de la fratrie, à l'Épinay, dans le quartier du Nid-de-Verdier, son premier atelier en 1824. 

      En 1829, il envisage de se reconvertir en se spécialisant dans le sciage et le façonnage des bois - il sera d'ailleurs plus tard, reconnu comme l'inventeur de la scierie mécanique - pour concrétiser son projet, il décide de créer un “vaste atelier” à proximité de la rivière, afin d’utiliser la force hydraulique. Il recherche un emplacement disponible vers le quartier Saint-Ouen, et arrête son choix, sur un terrain donnant sur deux voies : la route de Rouen et la rue des Moulins-au-Roy, (de nos jours, respectivement : rue Gustave Couturier et rue des Murs-Fontaine), là même où depuis la seconde moitié du dix-huitième siècle, existent deux moulins hydrauliques, l'un à bois de teinture et l'autre à huile. Ce site répondait à ses besoins pour l’hydraulique existant ; mais également pour son accessibilité. Il va construire “son vaste atelier, augmenter la puissance force hydraulique par une déviation de la rivière, et par l'apport de remblais énormes amenés sur le bord en contrebas de la grande route de Rouen, créer un plain-pied de manière que les voitures puissent y entrer, décharger à l'intérieur les bois qui devront l’alimenter, et charger ceux qui aurons été préparés ; grâce à ces aménagements, les bois ne seront pas seulement sciés, mais ils seront aussi rabotés et bouvetés ; les moulures pour lambris, les corniches,  etc. y seront également formées en un instant dans une proportion considérable.

     En 1843, après quatorze années d’activités, Pierre Sautreuil décide d'un nouvel agrandissement, avec d'autres moyens, avec une nouvelle source d'énergie où la vapeur remplace l'hydraulique. Il avait déjà confié la marche de son activité première, (de sciage et de façonnage des bois), à ses proches collaborateurs pour se consacrer avec son gendre Isidore Levieux à la fabrication et la mise au point de “machines-outils” pour lesquelles, il déposera 12 brevets entre 1830 et 1863.

     Le déménagement et l'installation de cette “usine” sur un terrain de forme irrégulière ayant façade rue des Prés (boulevard de la République) et rue du Carreau va prendre cinq ans et ce n'est que vers 1850, qu'il cèdera la place pour la création d’un atelier de teinture, annexe, des ateliers de filature Handisyde, dont l'atelier principal se situait dans le quartier du Nid-de-Verdier.

      L'activité textile, déjà en crise va provoquer la cessation de l'activité de cette annexe vers 1885, et le site est mis en vente. La municipalité apprit, trop tard que contrairement à toutes les prévisions, il avait été adjugé pour la somme insignifiante de 12 000 francs, à M. et Mme Brindel, charcutier rue des Forts, qui avaient ainsi pour 12 000 francs, un vaste établissement, une cour de très grande dimension, une maison de maître et une force hydraulique de quinze chevaux La municipalité entama des négociations avec l’acquéreur et pour 25 000 francs elle se substitua à lui. L’acquéreur faisait un agréable marché et la ville une bonne affaire. L’architecte de la ville, M. Albert, dressa à la hâte de nouveaux plans pour l’aménagement et en trois mois les travaux furent achevés, si bien que l’école inaugurée le 26 septembre 1886, pouvait ouvrir pour la rentrée le 4 octobre.


        La presse, nous en fait la description :

       “Un portique qui servait à la filature est l’entrée de l’école communale qui comprends les garçons et les filles dans deux parties rigoureusement séparées. À gauche la maison du directeur qui sera en même temps la maison de la directrice, le groupe scolaire étant dirigé par le mari et la femme. À droite une maison pareille que la ville devrait bien acquérir, pour le jour où une circonstance aussi favorable ne se présenterait pas.
      “On a dépassé cette première cour et ces deux maisons qui, étant en retrait, ne masquent pas la façade de l’école, on arrive à une double grille qui conduit aux deux battants de la grande porte de l’école. À droite l’entrée des filles longeant ente deux murs leurs cour de récréation ; à gauche l’entrée des garçons avec une disposition toute pareille.
      “Deux classes de chaque côté, contenant chacune quarante-cinq places, avec un mobilier très coquet et très commode. Les classes donnent dans les deux catégories, sur un grand lavabo-vestiaire, dont les proportions sont invraisemblables. Ce qui frappe, dans cette école, c’est la grandeur des salles. Les classes sont au premier étage ; au-dessous dans les deux groupes, il y a une salle de récréation pour l’hiver dont les dimensions sont : vingt mètres sur onze. En trouverez-vous beaucoup de ce genre ?
        “Enfin, le deuxième étage dominant les classes est occupé par une salle unique, colossale où, tout à l’heure, cinq cents personnes prendront place à table. Cette salle est décorée de feuillages et de drapeaux. Notre drapeau tricolore a invité le drapeau étoilé de la grande république des Etats-Unis.

       “L’architecte M. Albert, qui a construit à Vaucottes d’élégants chalets et qui restaure le clocher de l’Église Saint-Étienne, a fort bien tiré parti de cet immeuble. Il l’a consolidé par des colonnes de fonte et il modifié l’organisation intérieure de façon à ne rien perdre des deux éléments les plus précieux dans une école : l’air et la lumière. Les classes si saines et si salubres par leur exposition au midi, par leur élévation, par leur sous-sol, sont encore garnies de boiserie.

      “Les travaux et le mobilier coûtent environ 45 000 francs, ce qui porte avec le terrain, le prix des écoles de Saint-Ouen à 70 000 francs. Nous en connaissons, pas loin de Rouen, qui coutent autrement cher. Et n’oubliez pas cette force hydraulique qui permettra à la ville, quand elle le voudra, de refouler l’eau de la source Gohier de façon à la porter sur tous les points de la ville et de la côte où elle ne saurait atteindre aujourd’hui.”

       Sources : Photos de l'entête, et descriptif chronologique du bâtiment : L'ouvrage édité  par les Amis-du-Vieux-Fécamp en décembre 2013 : Entre Rires et Larmeset  Journal de Rouen du 27 septembre 1886 - Archives Départementales de la Seine-Maritime 

     Ce bâtiment, n'eut malheureusement pas de fin heureuse ; affecté par un incendie, le 27 novembre 2023, il termina sa carrière sous la pioche des démolisseurs quinze jours plus tard, le 14 décembre voir la page.