Passons maintenant à la cérémonie d'inauguration des Écoles ; mais avant de rendre dans le quartier Saint-Ouen, précisons que, comme de coutume, on ne déplace pas tant “d'officiels” pour une seule inauguration, on en profite pour faire le point sur les travaux du port !
Toutes ces personnalités vont participer à “une réunion de chantier”, ils vont aller sur place se renseigner de l'état d'avancement du creusement des bassins.... et là, une surprise les attend !... une anomalie qui n'échappe pas au journaliste de service, qui ne manque pas de le noter !
3. La visite du port :
“Dans ces notes écrites à la hâte, il faut bien que je vous dise un mot des travaux du port, tels que vient de les exposer, d’abord sur place, puis un très beau plan à la main, M. Sicot, conducteur des ponts et chaussées, qui fait fonctions d’ingénieur. M. Sicot est connu pour les travaux auxquels il a pris part, tant à Saint-Malo qu’au canal de l’Est. Il est aussi modeste qu’habile, mais ces entreprises le passionnent.
“Les travaux du port de Fécamp rappellent, avec de moindres dimensions, les travaux qui s’achèvent en ce moment au port de Dieppe. On a d’abord redressé le chenal qui, comme à Dieppe, décrivait une courbe, de la mer à l’avant-port. Aujourd’hui l’entrée est droite, pourvue de chaque côté de deux larges brise-lames où les flots les plus tumultueux s’étalent et s’émiettent quoi qu’ils en aient. Tandis que toujours comme à Dieppe, l’avant-port est à droite en venant de la mer, comme à Dieppe on a préparé un nouvel avant-port dans l’axe même du chenal rectifié. En arrière de cet avant-port très vaste, et toujours tout droit, un bassin de mi-marée qui a 100 mètres de quai et un bassin à flot qui en aura provisoirement 200 et qui pourrait en avoir aussi bien 600, le terrain dans la vallée appartenant à l’Etat.
“Mais il y a quelque chose qui frappe dans la visite de ces travaux, c’est que le nouvel avant-port longe sur 350 mètres une route qui s’appelle je crois, route sous le bois, sans que le moindre quai la protège contre les éboulements. Un perré retenait autrefois le terrain ; il en reste aujourd’hui juste assez de débris pour témoigner de son existence antérieure. On voit les pierres et le terre rouler à l’eau, si bien que, dans l’état actuel, on ne saurait aller du chenal au bassin de mi-marée, dont les fondations sont terminées, sans décrire une courbe pour éviter ces écueils. Un mur de quai est indispensable.
“Or ce mur n’a pas été compris dans les projets approuvés en 1880 jusqu’à concurrence de six millions de francs. De là un accroc dans l’exécution. Les crédits affectés au port de Fécamp par une loi de 1880 et de 1882 sont de 6 millions 500 000 francs [1]. Le 31 décembre de la présente année il ne restera que 1 400 000 francs à dépenser tandis qu’il faudrait 500 000 francs de plus pour les travaux prévus et un million pour le mur du quai si étrangement oublié. C’est au total un million et demi. Par le temps qui court, cette somme ne se trouve guère dans le pas d’un cheval et le budget est si boursoufflé qu’on redoute de le gonfler encore. Mais le port de Fécamp a pour lui une circonstance qui le recommande à la sollicitude des pouvoirs publics ; c’est que si ce mur de quai n’est pas édifié les autres travaux ne serviront à rien.
“Aujourd’hui, le port ne se présente pas à son avantage ; il n’y a qu’un bateau dans le bassin Bérigny. Il en est ainsi dans tous les ports, les jours de visite annoncées. À Fécamp, du moins on a la ressource de dire que les bateaux sont à la pêche de la morue et du hareng ; ce n’est d’ailleurs que la stricte vérité.”
Et le journaliste continue ....
“Maintenant que j’ai donné une idée de l’école et des travaux du port, il faut bien que je fasse une petite part au pittoresque. À une heure et demie, réception des invités à la gare. M. Lyonnais, député descend du train avec MM. Médéric Deschamps et Fauvel, conseillers généraux. M. Trouard-Riolle arrivé de la veille pour s’enquérir par lui-même des études des ingénieurs pour le chemin de Dieppe au Havre – et il n’en parait pas moins satisfait – est venu au-devant de son collègue. M. Casimir- Perier attend à l’Hôtel-de-Ville ; MM. Siegfried et Félix Faure descendent de voiture dans la cour de la gare venant d’yport, où ils ont déjeuné chez le maire M. Nunès, qui est aussi de la fête.
“Les invités sont reçus par M. Leborgne, maire de Fécamp ; MM. Delaunay et Avenel ses adjoints, et un grand nombre de notabilités, parmi lesquelles je cite au hasard MM. Diéterle, maire de Criquebeuf, Avenel, Million, Dufresne, Le Baillif etc.
M. Hendlé, préfet de la Seine-Inférieure, en ce moment en congés, s’est fait représenter par M. Bouffard, conseiller de préfecture, qui rencontre dans cette réunion de très nombreux amis.
“Tandis qu’on allait en voiture au bureau de l’ingénieur un grain a passé ; ça n’a été que l’affaire d’un instant. La journée continue à être belle, mais il y a dans l’air de sérieuses menaces pour demain.
“M. Leborgne et M. Sicot ont donné aux députés, le plan à la main, les renseignements les plus complets sur les travaux. Puis on a fait un tour à la jetée ; après quoi les voitures ont pris la route de l’Hôtel-de-Ville. Là le cortège s’est formé pour aller, musique en tête jusqu’à l’école communale.”
Source : Journal de Rouen du 28 septembre 1886 - Archives Départementales de la Seine-Maritime .