CAMP-FESTIF - La Fête dans les Entreprises.... à la Bénédictine.
Page créée le 23.09.2018
 

     Conférence, ou discours ? La presse manque de précisions à ce sujet. Une chose est certaine, Paul Dussaussoy, nous fait là un excellent exposé sur les origines de la Mutualité.


Discours de M. Dussaussoy, Député de Calais
 

     M. Dussaussoy est un modeste, il commence par exprimer sa crainte de ne pas être à la hauteur du sujet qu’il s’est proposé de traiter : Les Sociétés de Secours mutuels et la nouvelle législation.

     Il est cependant un des trois députés sans distinction d’opinions politiques, qui lors de la discussion du projet Audiffred à,la Chambre, au mois de mars dernier, ont combattu éloquemment les tendances draconiennes du nouveau projet de loi. C’était donc une bonne fortune pour les fécampois d’entendre M. Dussaussoy sur cette question qu’il connait à fond.
 

     Le député de Calais déclare, il est vrai, qu’il doit cette compétence aux excellentes indications qu’il a reçues d’un de nos premiers mutualistes de France, M. H. Vermont de Rouen. Mais cet avertissement est plutôt de nature à lui conquérir immédiatement la confiance de tout l’auditoire. “C’est un disciple de Vermont, il doit alors bien connaître son affaire” : il n’est pas un assistant à cette conférence qui ne se soit tout de suite fait cette réflexion. De fait, aussitôt entré dans le vif de la question, on sent que M. Dussaussoy est, là, sur un terrain familier.

 

     Remontant aux origines de la mutualité, il y a quelque cinquante ans, l’orateur montre qu’elle fut l’œuvre, en principe, de modestes travailleurs, qui, les premiers eurent l’idée de se venir mutuellement en aide. L’idée progressant, s’étendant, et les adhérents aux sociétés de secours mutuels devenant de plus en plus nombreux, il fallut recourir à l’appui financier du gouvernement et accepter par conséquent sa tutelle. Ce fut le premier pas vers la législation spéciale aux sociétés de secours mutuels, qui du reste ne se sentirent bientôt plus assez de liberté d’action. Le premier projet de loi ne date cependant que de 1882.
 

     Ce projet de loi traîna des années et des années dans les cartons de la Chambre, étudié, abandonné, repris, de nouveau délaissé, jusqu’au moment où on décida de s’en occuper sérieusement. Ces lenteurs doivent-elles être considérées comme un mal ? Les projets de loi sont un peu comme le bon vin, plus il devient vieux, meilleur il est. (Rires).
 

     La loi récemment adoptée par la Chambre n’est sans doute pas définitive et est susceptible d’améliorations. Telle qu’elle est, les sociétés de secours mutuels peuvent en tirer déjà des avantages sérieux, mais il y a encore beaucoup à faire pour qu’elle soit vraiment libérale.

La liberté, en France, dit M. Dussaussoy, a énormément de mal à s’acclimater. (Rires.)

     À côté de certains avantages, comme celui qui consiste à enlever à l’administration le droit absolu de dissolution des sociétés de secours mutuels et à autoriser celles-ci à en appeler aux tribunaux sans passer par les complications ordinaires de la procédure ; à côté de la libre disposition de leurs capitaux, qui leur est accordée dans une certaine mesure, et du libre port des insignes, la nouvelle loi tend encore à restreindre considérablement leur liberté. On les classe en différentes catégories ; sociétés reconnues d’utilité publique, sociétés approuvées et sociétés libres. Pourquoi cette classification ? pourquoi ne pas placer toutes les associations mutuelles sur le même rang, avec les mêmes droits ? ce sont les sociétés appelées “libres” qui sont les moins libres ! (Applaudissements.)

 

     On a supprimé la fixité du taux de l’intérêt servi aux sociétés de secours mutuels dont les fonds sont déposés à la caisse des Dépôts et consignation. Il était invariable avant de 4,5 %. Il a été abaissé à 3,5 %. C’est maintenant pour nos sociétés de secours mutuels l’avenir incertain.

C’est chose plus grave, un manquement de l’État à la parole donnée aux sociétés fondées avant la nouvelle législation et à qui l’État s’était engagé à servir toujours l’intérêt de 4,5 % ; un peu comme il se propose encore de trahir ses engagements vis-à-vis des porteurs de rente française, dont un impôt spécial réduira le revenu. (Applaudissements.)

      Les sociétés mutuelles, par le fait de l’abaissement du taux de l’intérêt, verront leurs charges plus lourdes, puisque pour constituer leurs fonds de retraites elles devront déposer un capital plus fort, destiné à produire le même revenu qu’auparavant. L’État commet ainsi d’ailleurs une iniquité, puisque en assurant au début un intérêt fixe de 4,5 % à nos sociétés, il les détournait en même temps de placements plus avantageux, comme lorsque, pour avoir l’argent dont il avait un besoin pressant, l’État accordait à ses porteurs de rentes des intérêts élevés. Nos sociétés de secours mutuels sont aujourd’hui dupes de leur confiance en la parole de l’État.
Par l’article 16 du nouveau projet de loi, on les oblige à garantir les retraites, et on leur enlève à elles la garantie de la fixité du taux de l’intérêt.
 

     On parle bien de compenser au moyen de subventions de l’État le préjudice que leur cause cet abaissement du taux de l’intérêt. Mais quelle confiance peut-on avoir dans cette promesse, alors que la situation budgétaire est, comme on sait, si mauvaise ? Et d’ailleurs, les subventions, s’il y en a, iront de préférence aux sociétés patronnées par les amis du gouvernement. (Applaudissements.)
 

     Un autre côté antilibéral de la nouvelle loi, c’est l’immobilisation des fonds des sociétés de secours mutuels déposés à la caisse des Dépôts et consignations.

     M. Dussaussoy rend hommage à l’intervention énergique de ses collègues, MM. Lechevallier et Sibille, à la Chambre, en faveur des sociétés de secours mutuels. On aurait été heureux, observons-le en passant, de voir également intervenir d’autres députés soi-disant dévoués aux intérêts de la mutualité française et dont le silence, pour ne pas dire les votes, ont paru tout à fait étranges aux véritables mutualistes. Mais ces députés sont de la catégorie des “actuaires”, dont le conférencier de l’Union a fait, avant-hier, la plus spirituelle satire.

 

     Après avoir indiqué tous les inconvénients et les défauts encore attachés à la nouvelle loi, le député de Calais montre combien la mutualité est digne d’une législation vraiment libérale. Elle est, entre les mains des philanthropes, l’instrument le plus sûr pour combattre la misère, en donnant à la bienfaisance un caractère plus relevé, plus noble, et en enlevant à ceux qui en abusent pour la satisfaction de leurs intérêts personnels le moyen d’exploiter à leur seul profit les infortunes humaines. La mutualité, c’est la bienfaisance moralisée. C’est dans ses rangs que se trouvent l’égalité vraie, la vraie fraternité. (Vifs applaudissements)
 

     M. Dussaussoy fait, en terminant, une éloquente réfutation des théories collectivistes et du socialisme d’État, dont il montre les menaçants dangers au point de vue surtout de la liberté de la famille. La mutualité est du collectivisme bien compris, qui respecte la propriété individuelle. Il félicite les membres de l’Union de leur attachement aux idées religieuses et de leur foi chrétienne qui est la meilleure inspiratrice de l‘esprit de solidarité.

     Enfin il félicite l’Union de sa prospérité financière ajoutant avec esprit que son exemple serait précieux à certains législateurs financiers, qui auraient grandement besoin de telles leçons d’économie – et il termine en remerciant l’auditoire de l’attention qui lui a été accordée malgré l’aridité du sujet. (Applaudissements prolongés.)

     Les applaudissements se prolongent pendant quelques minutes, exprimant par leur force et leur unanimité la satisfaction que l’assemblée a éprouvée de cette conférence si supérieurement traitée.


       ...... Et pour terminer, cet après-midi, place à la musique et à la remise de récompenses.
 

     On fait ensuite un grand succès aux ocarinistes de l’Harmonie, puis on procède à la remise des diplômes et médailles aux sociétaires qui ont donné les plus grandes preuves de zèle au cours de l’exercice écoulé.

     Voici leurs noms :

     Récompenses : Henri Joignant, 57 présentations, médaille vermeille ; Georges Bertaux, 40 présentations, médaille vermeil (MM. Jopignant et Bertaux sont chaudement félicités et sont l’objet d’une véritable ovation de la salle) ; Auguste Barray, 20 présences, médaille d’argent ; Hippolyte Morisse, 15 présences médaille d’argent ; Elysée Cacheleux, 10 présences, médaille d’argent ; François Caniel, 10 présences médaille d’argent ; Pierre Favro, 8 présences, médaille de bronze ; Jules Mercier, 7 présences, médaille de bronze ; Henri Loisel, 7 présences, médaille de bronze ; Emile Dalençon, 4 présences, médaille honorable ; Alfred Privé, 4 présences, mention honorable ; Désiré Panel, 4 présences, médaille honorable.
 

     Nouveau morceau par l’Harmonie, et M. Marcel Le Grand, après des remerciements à l’éloquent conférencier, aux dames quêteuses, aux musiciens et à l’assemblée, lève la séance.