FÉCAMP-FESTIF - La FÊTE EN SALLE
Dernière mise à jour : 25 février 2017  

    
      17 décembre 1911 au Casino de Fécamp, Grande Revue locale, en 3 actes et 4 tableaux, paroles et couplets Désiré LACOUDRE – arrangements et orchestration Ferdinand MOREAU – décors  et mise en scène de M. GRUGEON – couplets et chœurs accompagnés par le Symphonie Amicale (35 exécutants). 

     Le scénario de la pièce : Imaginez qu’à la dernière kermesse on ait annoncé à Fécamp l’arrivée d’un ministre voyageant incognito.

Imaginez que, par un de ces hasards dont la vie est fertile, on aperçoive en ville un citoyen qui ressemble au ministre attendu, mais qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau, tenez, par exemple, comme si l’ami Guy de Lourcade ressemble à Lacoudre. Imaginez toujours que ce citoyen, un honnête arroseur du Havre, pris pour le ministre, soit chargé d’inaugurer les fêtes........


     Journal de Fécamp : 19 décembre 1911

 

 Avant-première

 
NON …!  MAIS CHEZ QUI ??!

 
      Lorsque j’arrivai ce matin à mon bureau, j’y trouvai un homme désolé. Il ne s’arrachait pas les cheveux, certes, car il a peur de les perdre de bonne heure, mais il donnait des signes extérieurs non équivoques d’un embarras profond. C’était mon camarade Guy de Lourcade.

 

      Tu vois, me dit-il en me tendant mollement la main, l’homme le plus embarrassé de la chrétienté. La direction du Journal de Fécamp - ici, un coup de chapeau - m’a fait le grand honneur de me confier les services de la chronique théâtrale. A ce titre, me voilà chargé d’écrire, pour aujourd’hui, une avant-première sur la revue de Lacoudre et de l’ami Duboc. Seulement, sale histoire, il m’est impossible de le faire. Je suis avec Lacoudre dans une intimité telle, que, si j’en dis du bien, personne ne me croira, et si j’en dit du mal, je serai forcé de parler contre ma pensée ; ce qui m’à-t-on appris au catéchisme, s’appelle mentir. Embarras cruel . . . Etre ou ne pas être, comme chante ce vieux Hamlet, dont . . . Mais non, je ne veux pas parler de la revue.
 

     Et Guy de Lourcade ajouta avec un trémolo dans la voix : « Mon vieux, il faut que tu sauves la situation ». Et voilà comment je suis chargé de présenter à nos lecteurs la revue dont la Symphonie Amicale donnera demain la première au Casino.
 

     Bien entendu, je ne vais pas vous en raconter l’intrigue ; il faut laisser à la représentation de demain toute la saveur de l’inédit et de l’imprévu. Mais un spectacle de ce genre ressemble un peu à un labyrinthe. On y trouve de tout, et pour s’y reconnaitre, il convient de ne pas perdre le fil conducteur. Je n’ai pas d’autre but, en écrivant ces lignes - Mais parlez-nous de la revue ! - Bon, bon, mettons, mettons j’y arrive . . .
 

      Vous saurez donc que la revue roule, si j’ose dire (soyez tranquille, il ne s’agit pas d’un train de l’Ouest-Etat), sur une supposition. . .  - Oui, Lair nous a déjà raconté quelque chose dans ce genre-là : «  il y a toujours dans une société un imb. . . » - Non ! Mais chez qui ???!!. .  Je continue : la revue locale sur une supposition.  Imaginez qu’à la dernière kermesse on ait annoncé à Fécamp l’arrivée d’un ministre voyageant incognito. Imaginez que, par un de ces hasards dont la vie est fertile, on aperçoive en ville un citoyen qui ressemble au ministre attendu (M. Caillaux, si vous voulez), mais qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau, tenez, par exemple, comme si l’ami Guy de Lourcade ressemble à Lacoudre. Imaginez toujours que ce citoyen, un honnête arroseur du Havre, pris pour le ministre, soit chargé d’inaugurer les fêtes. Vous devinez, dès à présent, les situations comiques qui vont naître de ce quiproquo, lorsqu’on présentera à l’Excellence par persuasion, les événements de l’année : la Kermesse, La fête Nationale, le Vieux-Fécamp, etc . . , etc. . . Naturellement, la présence de ce citoyen ameutera les journalistes qui, pressés par le temps, désireux d’éclaircir un mystère, pourront bien prendre le pauvre homme pour le ravisseur que vous savez.
 

     Mais toutes les plaisanteries ont une fin. Découverte la supercherie mettra en fuite le faux ministre et son épouse, et voilà qu’ils se réfugient au Casino où le manque d’artistes se fait particulièrement sentir. Et ils joueront Hamlet comme ça tout simplement, mais un Hamlet mis à la portée de toutes les voix, revu et corrigé, à l’usage des Casinos dans le besoin.
 

     Voilà en gros, le scénario de la pièce. C’est en s’inspirant de lui que Lacoudre, avec Duboc comme collaborateur, a écrit le livret, sur lequel M. Moreau, le distingué et puissant chef, a semé la musique alerte, gaie, spirituelle, vivante, empruntée aux meilleurs ouvrages du répertoire ou aux chansons à la mode et arrangées avec le talent que vous lui connaissez.
 

     Le pseudo ministre, ce sera Severin Lair, et il n’est pas besoin d’insister pour que tout le monde soit certain à l’avance des éclats de rire que soulèveront les réparties de Zidore. Quant à la commère, ce sera comme l’an dernier, la toute gracieuse Melle Suzanne Lechevallier, dont le charme, la joliesse et l’entrain endiablé ont conquis, dès maintenant, les unanimes suffrages des fécampois. Et nous verrons aussi Mme Bailly, chanteuse distinguée, douée d’une admirable voix ; Mme Dolora, dont le talent très sûr connaitra, certes, un brillant succès ; M. Syblin, un comique havrais, de bonne école, et nos interprètes locaux, tous excellents comme vous le savez ; Courroy, Tronel, (oh ! Le troisième acte), Enault, Pallier, Chéron, Delamare, Cavelier, Delône, etc . . ., ainsi qu’un gracieux essaim de gentes demoiselles qui éclaireront la représentation d’un sourire.
 

       Vous ai-je pas dit aussi que la revue sera jouée en des décors superbes, où M. Grugeon a donné une fois de plus la mesure de son talent. Enfin les spectateurs auront la surprise de trouver, cette année un livret particulièrement original. Par une heureuse innovation, en effet, la couverture de ce livret a été illustrée par l’excellent dessinateur René Crevel dont on connait et apprécie la valeur. Une gracieuse Normande vous invitera d’un sourire à acheter ce document. Et le sourire est si gracieux que personne n’y résistera.
 

       Et puis . . . , mais je ne peux pas tout vous dire, il me semble avoir déjà glissé assez longtemps sur la pente savonnée de l’indiscrétion . Vous irez demain au Casino. Vous vous amuserez follement et rirez à gorge déployée, en retrouvant à nouveau l’esprit savoureux, l’ironie légère, l’observation judicieuse, qualités essentielles du talent d’écrivain de mon excellent ami Lacoudre, talent qu’il serait inutile de vanter d’ailleurs plus longtemps, à peine de faire injure à mes lecteurs qui l’ont tant de fois apprécié.
 

     Les seuls mécontents, peut-être seront les médecins, car toute neurasthénie aura pour longtemps disparu à Fécamp à partir de demain soir. Il est vrai que si, grands que puissent être leurs regrets, nos docteurs auront tant ri qu’ils seront eux-mêmes désarmés.

                                                                                                                                                                                                 André Julien

     
     Nul ne doutait du bon accueil que le public réservait à la revue de mon excellent ami Lacoudre et à la musique du sympathique Moreau. Le succès a dépassé nos espérances. Salle comble, archi-comble , finals bissés, acclamations, ovations ; rien n’a manqué. Le chœur « terminus » comme on dit, a même été trissé, tandis que l’on réclamait l’auteur.

 

La distribution      Les couplets