FÉCAMP-FESTIF - La FÊTE EN SALLE
Dernière mise à jour : 25 février 2017
 

Journal de Fécamp, 19 décembre 1911

 

LA REVUE :

Non .  . . ! Mais chez qui ??!

 

     Le Livret :
 

     Non ! Mais Chez Qui ? !!! a le grand avantage d’être gai. A part le premier acte purement d’exposition et le dernier tableau qui est surtout un « tableau » au sens vrai du mot, le deuxième et le troisième actes provoquent d’un bout à l’autre le plus fou des rires. Les scènes les plus drôles s’y succèdent, et la raillerie, une raillerie discrète et d bon ton, y coule à plein bords.
 

     C’est sur la place de l’Hôtel-de-Ville, alors que la kermesse va s’ouvrir, que nous nous retrouvons d’abord. On chante, on rit, on plaint ce pauvre habitué du jardin public qui avait accoutumé d’y faire sa digestion ret que les baraquements de l’exposition d’horticulture viennent de mettre à la porte, quand soudain, M . . Le président du Comité des Fêtes (Oh c’qu’il est chouette !)  vient annoncer la grande nouvelle : Caillaux s’amène incognito. Oh délire ! Oh joie immense ! Et en effet, il s’amène Caillaux, il s’amène avec sa femme ; seulement on s’est trompé. Ce Caillaux est un brave arroseur du Havre. Bon enfant, pas bileux, il se laisse faire et voilà la revue partie. Successivement vont défiler les attractions de la kermesse ; ce qui nous vaut d’entendre encore la si jolie valse de M. Adrien Constantin, que chante l’étoile du Cabaret Normand, et une valse sur Favart et que la commère détaille avec charme et élégance. Les incohérents, la fanfare de Cany, tout le monde y passe ; jusqu’à l’heure où la retraite aux flambeaux vient donner le signal de la nuit. . . Et des applaudissements.
 

     Le second acte débute par une scène vraiment ahurissante, il fait petit jour. Nous sommes sur le marché. Les agents roupillent, comme des tambours. Ils sont fourbus. Les prélèvements les ont tués :

 

I
 

Depuis l’matin jusqu’au soir,

Nous arpentons les trottoirs,

Qu’il fass’ jour ou qu’il fass’ noir

Malgré les reproches,

Pour rechercher les fraudeurs,

Prél’ver chez tous les vendeurs

Des p’tits flacons de poche.

Qu’ce soit d’huile ou de citron,

Du vinaigre ou bien d’la prune,

D’la fraise ou bien du savon,

On n’doit pas en rater une ;

C’est un stupide métier

Les agents et l’brigadier

Sont dans la panade,

Y vont s’rend’ malades ;

Y aurait d’quoi s’coller douanier,

Ah ! Quel stupide métier.

 

II
 

Après des jours aussi durs,

Quand on retr’ chez soi, bien sûr,

On aimerait r’trouver l’azur,

Auprès d’sa chacune ;

Mais, malgré c’qu’on peut tenter,

On sait mêm’ plus causer,

Et l’on n’est jamais grisé

Par le clair de lune,

La bourgeoisie, en plusieurs fois,

Cherch’ à ranimer vot’zèle,

Mais elle trouv’. . visag’ de bois

La fraude a coupé . . Mes ailes

Et la femme dépitée,

Au mari qui baisse le nez,

Dit : rien n’t’émoustille,

V’là cor’ qu’tu roupilles ;

Ça n’peut vraiment pas durer.

Puisqu’on punit les fraudeurs,

On f’rait pas mal, mon cher cœur,

De te traiter tout comme ;

Car d’ceux qui consomment,

J’crois qu’c’est moi la plus fraudée.

 

     Mais voilà des reporters en tournée (Oh l’uniforme du journal de Fécamp) qui entourent ce pauvre Zidore, littéralement ahuri, lui demandant des nouvelles de sa sœur, de son père, de son petit frère et finalement, vous l’attendiez, de la Joconde. La Juconde, clame Zidore, qui qu’c’est qu’ça ? - Ecoutez plutôt - et le reporter d’expliquer son histoire :

 

Au Musée du Louvre y avait

Un tableau vraiment magnifique,

Un tableau qui représentait

Un’ femme au sourire ironique ;

Mais à force d’entendre sous son nez

Les bêtises qu’il faisait éclore,

Ell’ prit l’parti d’se défiler ;

La polic’ croit quell’ court encore.

 

Mais la vérité, nous l’avons,

C’est qu’un’ fois sur l’pavé d’la ville,

La Jocond’ s’aperçut, cré nom !

Qu’ell’ n’avait mêm’ pas d’espadrilles ;

Alors, folle de désespoir

En constatant cette malchance,

Pour s’suicider ell’ prit l’même soir,

Un train d’Ouest-Etat en partance,

 

Or malgré la rar’té du fait,

La chose est extraordinaire.

L’train arriva dans not’ cité,

En pleine saison balnéaire

Et la Joconde ayant trouvé

Dans les chaussur’s son viatique,

Y vécut longtemps ignorée

Menant une vie très prosaïque.

Très simplement, mais toujours souriante

A la fontaine, elle allait chaque soir,

A petits pas, ma démarche innocente,

Chercher de l’eau dans son p’tit arrosoir.


Mais, un étranger d’belle allure,

Ce fut vraiment sensationnel,

Un beau soir, l’enl’va en voiture,

Pour la conduire au septièm’ ciel ;

L’auto fila si rapidement,

Qu’ l’arrosoir fut pris en même temps.

 

Et, tout le long du chemin, souriante,

Elle pensait : j’ai gagné l’gros lot, c’soir,

Mais s’demandait la petite innocente,

Que va-t-il fair’ de mon p’tit arrosoir.

 

Tout d’même, l’fait d’enlever la Joconde.

Ca n’va pas sans un peu d’potin ;

L’histoire ayant fait le tour du monde,

L’étranger fut coffré l’lendemain ;

Il demeura bouclé huit jours . . .

Et la Joconde souriait toujours ! . . .

 
Mais depuis lors, bien qu’toujours souriante,

On ne la voit plus aller, chaque soir,

Chercher de l’eau, la petite innocente . .

Elle a perdu son petit arrosoir !

 

     Mais Zidore se fait connaître, un peu vexé ; un louis le remet de bonne humeur. Puis voilà deux moutards de l’école maternelle qui faisaient du pétard comme vingt, viennent exposer au pseudo-ministre toute une liste de revendications, telles que « la journée de deux heures, les devoirs supprimés, la tartine et le chocolat quotidiens, laïque et obligatoires ». Ces jeunes espiègles se retirent pour faire place aux habitués du marché, apportant sur la place Thiers du beurre et du fromage, articles qui paraissent intéresser fort le candide Zidore.


     Mais voilà que soudain Zidore à une rude épreuve. Heure critique ! L’oncle Arsène vient de paraitre et s’avance souriant.

Cela ne gêne point notre Zidore qui, dignement s’écrie : « Monsieur, vous devez confusinner ». L’oncle Arsène en perd son sang-froid et il est appréhendé sur le champ par un agent.


     Zidore respire . . . Mais Pulchérie, qui craint que cela fasse du « vilain », invite Son Excellence à déguerpir au plus vite. Pouf ! Quelque chose manquait à leur déveine . . .  Le vieux-Fécamp survient et présente sa nouvelle acquisition ; l’estrade du 14 juillet (don de la Ville). Cette tente ne changera pas dit Pulchérie, - Mais la fête Nationale, non plus excellence. C’est sous le vêtement classique de la République, l’entrée de Mme Bailly, suivie du monsieur chargé de faire un nouveau programme pour cette grande journée patriotique. Oh ! Ce n’est pas l’inédit qui manque. Ça tombe, dirait l’autre, comme à Gravelotte ; salves, défilé, revue, goûter, feu d’artifice. Bon ! Bon ! Mettons, mettons. - Ne vous fatiguez pas, interrompt le Vieux-Fécamp voici tous les programmes depuis 25 ans, ils ressemblent tellement au vôtre que vous n’aurez que l’embarras du choix. Et c’est dans un tableau fort bien réglé, le défilé du 14 juillet terminé par un hymne superbe au Drapeau sur le double motif du « Chant du Départ » et de la « Marseillaise ». Pendant ce temps, Zidore et Pulchérie se sont éclipsés, si bien que lorsque la supercherie est découverte il n’y a plus personne. Et la foule de courir à sa recherche, ce qui nous vaut un final très gai, très alerte et très animé.

 

Pour fêter aujourd’hui la fête de la France,

Laissons flotter bien haut les trois couleurs,

Et gardons en nos cœurs l’invincible espérance,

L’ardente foi, le courage vainqueur ;

Notre histoire est belle et féconde ;

Levons les yeux et le front haut,

Dressés à la face du monde,

 

Saluons notre fier drapeau :

Salut, Drapeau de notre France,

Nous t’aimons et te vénérons,

Chère emblème de la vaillance

Toi qui mène nos batailles (bis) ;

O symbole aimé de nos gloires,

Ton rouge est teint de notre sang,

Par toi nos soldats frémissants

Seront conduits à la victoire.

Salut, ô cher Drapeau,

Nous te dressons bien haut,

Chantons (bis) de tous nos cœurs,

L’hommage aux trois couleurs ;