FÉCAMP-FESTIF La FÊTE EN SALLE
 Denière mise à jour : 26 février 2017


     Avec le troisième acte nous voici au Casino. La scène est vide, Zidore et Pulchérie, exténués, s’effondrent à l’avant-scène - sauvés mon Dieu ! - Ça ne doit pas être habité, dit la commère, y a même pas un chien dans la loge qu’est à l’entrée de la cour. Hélas ! On chante, on vient, on les prend pour des artistes.
 

      De désespoir ils veulent mourir, Zidore a encore une vieille boite de tisons. - Bouffons-en chacun la moitié. L’arrivée de Nicobar les sauve. Nicobar est désolé, il se ruine, le casino ne marche pas, les petits chevaux sont malades, C’est la faillite ! Heureusement, qu’il a trouvé des combinaisons pour amener le public. Il a rénové l’opéra. Hamlet ! A titre de curiosité, il faut citer deux ou trois couplets : Les lamentations d’Hamlet, ses protestations d’amour à Ophélie ou la folie d’Icelle :
 

I

V’là ma mèr’ qui s’er. . Marie,

You, là, là, là, ira,

C’est un’ vrai’ cris’ de folie,

Youp, là, là, là, ira ;

Faudra la faire enfermer,

Youp, youp, youp la rirette, ô gué

Moi j’suis triste et tout l’monde est gai,

Parc’ que j’m’appelle Hamlet.

 

II

Y a à peine trois mois qu’ma mère,

        Youp etc. . .

Enterrait mon pauvre père,

         Youp etc. . .

A recommencer à rigoler,

         Youp etc. . .

Bon sens ! Qu’c’est triste, on en pleur ’rait

Comme le monde est mal fait !
Doute du bec Auer

Dot’ du téléphone et du four,

Du four de la saison dernière,

Mais ne doute jamais, jamais de mon amour

          Car . . .

J’t’aime mieux qu’mes tuyaux,

Qu’mes biens chers tuyaux

Mêm’ quand ils font de l’eau, Zou, zou, zou,

Pour arroser les rues,

        Mais . . .

J’peux pus aimer ma mère,

Qui, malgré tous mes sanglots,

Veut m’donner un beau père

Qui ne sait pas le domino ;

Ah ! Douleur immense,

J’vas quitter la France,

J’fous l’camp tantôt

Faire une saison à Elétot

 

III

Hamlet-te

Mon p’tit Hamlet-te

Tu m’as plaqué, ça c’est pas chouette ;

Hamlet-te

Que je regrette

Ton citron qui sent si bon !
 

     Naturellement, à l’instar du Casino de Fécamp, on supprime le dénouement et Ophélie se jetterait bien dans le bassin Bérigny si l’arrivée des autorités ne l’obligeait de fuir prosaïquement par la coulisse.
 

     Désespérées, ces autorités, et fourbues, si fourbues qu’elles pardonneraient tout à Zidore s’il y avait quelqu’un pour inaugurer la Kermesse. - Me voici dit la Normandie, qui s’avance. - et en route pour l’apothéose.


Entre temps, nous avons vu passer, tout de noir vêtu, ma figure plate et pâle, le pauvre Cercle des Etrangers qui n’a pas vu un chat depuis trois ans et les aviateurs dont deux alertes couplets vont nous conter les mésaventures :
 
                              I
Lorsque fut venu l’dimanche
D’aller voir près d’la Manche,
Trois ou quat’ aviateurs,
Fort connus par leur valeur ;
Chacun y courut bien vite,
Jeann’ sortit son aéro
Un vrai petit bijou de Blériot ;
Pendant que le public répétait,
Pour tromper l’ennui qui le guettait ;
Eh bien ! Quoi ma p’tite Jane (bis)
Fais donc attention,
V’là trois heur ‘ comme sœur Anne, (bis)
Que nous patientons :
C’est y demain ou dans une quinzaine
Que nous te verrons,
Ma p’tite Jan’ sur la plaine (bis)
Fair ’ d’ l’aviation.
 
                             II
Vainement, nous attendîmes,
Tout ça, c’était que d’ la frime,
Et bientôt on murmura,
On cria, on protesta ;
Mais, sans se faire de bile,
La poch’ plein’, le cœur tranquille,
Nos brav’s organisateurs
S’esquivèrent en chantant en chœurs
Ce refrain vraiment plein de saveur,
Tandis que partaient les spectateurs :
Barrons-nous par prudence (bis)
Loin de ce pays,
Faudrait pas qu’on r’commence (bis)
En cet endroit-ci ;
La foule n’serait pas très contente,
De notre lapin ;
En vites’ par prudence, (bis)
Détalons plu loin.
 
      Donc, la Normandie veut elle-même présider ce millénaire. C’est fort simple. En sept secondes le changement à vue s’est opéré. Et nous voici sur la terrasse du Casino dans l’admirable décor des falaises et de la mer que baigne une lumière bleue et imprécise . Au fond, les vikings dressent leur fière silhouette et la foule les contemple curieusement. Pêcheurs, normands, normandes les saluent. C’est d’un très bel effet.
C’est, sur les motifs de la Veuve Joyeuse, par un hymne à la mer que s’ouvre l’apothéose. Citons :
 
Dans la brise, qui nous grise
D’un frisson,
Caressante, la mer chante
Sa chanson,
Ineffable amante, apaise tes flots
Montre-toi clémente pour nos matelots.
 
      Mais les Vikings se sont avancés, les normands, les normandes, les pêcheurs défilent à leur tour. Et la Normandie elle-même, enfin, vient les saluer, tandis que le théâtre s’illumine, que des guirlandes de lampes multicolores courent d’un bout à l’autre de la scène sur les toiles de laquelle les flammes de Bengale projettent des clartés fulgurantes. Bien au point, ce tableau était vraiment merveilleux. Nous permettra-t-on de citer ce Salut aux Ancêtres :
 
Sous les plis de notre bannière,
Rendons hommage à nos aïeux :
Car, de ces ancêtres fameux.
La Normandie peut être fière.
 
Ils ont conquis le monde entier?
Partout on retrouve leurs traces
Ils ont fait la gloir’ de la race ; (bis)
En nous coule leur sang altier.
 
Acclamons nos premiers maîtres,
Les Vikings au cœur valeureux,
Hurrah !
Pour la fierté de nos ancêtres.
Gardons un souvenir pieux.
 
      Il ne reste plus, maintenant aux artistes qu’à chanter l’habituel couplet au public. Et le crépitement des bravos termine le chœur final, tandis qu’une ovation monte de la salle vers les interprètes et l’auteur.
 
    
  L’interprétation :
 
     Celle-ci fut à la hauteur de sa tâche. C’est avec un plaisir toujours plus grand que le public fécampois revoit Mlle Lechevallier. La commère montra une fois de plus son talent de bonne chanteuse et de comédienne amusante. Mme Bailly, dont la voix limpide et puissante a été, dimanche, fort appréciée, a remporté, dans le rôle admirablement tenu, un légitime succès ; enfin, Mme Delora nous fit sur la scène de très gracieuses apparitions où elle se montrait charmante après nous avoir déridé jusqu’aux larmes par sa gaîté et sa bonne humeur, c’est une excellente artiste. Mais il faut accorder aussi un mot spécial à nos gentilles choristes si dévouées et si gracieuses : Mlles C. Allain, G. Daussy, M. Favro, S. Labbé, S. Beaudoin et H. Leconte etc . . . dont l’élegance et l’entrain contribuèrent pour beaucoup au succès de la revue.

      Que dire de Severin Lair qui n’a pas encore été dit. Il a « compris » son rôle et l’a rendu d’une façon impeccable, avec discrétion, sans charge inutile, dans le ton vraiment qui convenait, mais avec des trouvailles irrésistibles. M. Syblin est plus qu’un comique, c’est « le comique » fait homme. Il va, vient, saute, danse, virevolte, tourne, fait des entrechats, des courbettes, des grimaces. Il est impayable. Chacun de ses rôles était un petit chef-d’œuvre de composition, on l’a longuement acclamé. Quant à Tronel il a été superbe. Il a joué ses rôles avec une recherche et une science que tout le monde a admiré. On ne peut faire mieux que ce qu’il a fait. MM. Courroy, Enault et Cheron se sont également artistiquement acquittés de leur tâche et ont heureusement complété l’excellent ensemble. Citons encore MM. Mallet, Martel, Delamotte, Hauchecorne, Saunier, Leconte, Gillet, Granger, Barbey, Paumelle, De Chanteloup.