CAMP-FESTIF - 

   
Ce bandeau à été composé à partir d'une gravure signée A. Varin :
Les ducs de Normandie extraite de “Histoire de Fécamp illustrée” par Alphonse Martin -L.Durand et fils Imprimeurs. (1893) et un extrait de la Tapisserie de Bayeux source Wikipédia.

Page créée le 18.01.2019

 
      Le 31 juillet 1932, leSouvenir Normand”, association fondée en 1896, organise avec le concours de la Municipalité Fécampoise, une journée commémorative où seront remises, devant le portail de l'église de l'Abbaye, deux pierres, envoyés  par les chanoines de la Cathédrale de Lincoln et de la Cathédrale de Norwich. En souvenir des deux moines de Fécamp, Remy et Herbert Losinga, premiers évêques de ces deux diocèses anglais et initiateurs de la reconstitution de ces deux admirables monuments religieux, conformément au style normand.
      Avant d'aller plus loin, et d'évoquer cette commémoration, qui semble aujourd'hui oubliée, faisons un retour vers le passé ...
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    Journal de Fécamp, 30 juillet 1932
      

      La conquête de l’Angleterre par les Normands fut l’événement capital du XIe siècle. Elle devait bouleverser le pays conquis et modifier entièrement ses mœurs politiques et son état social.

       Guillaume Ier le Conquérant, dit aussi le bâtard, duc de Normandie, né à Falaise vers 1028, mort à Rouen en 1087, était de la race de ces grands chefs qui laissent une empreinte indélébile dans l’histoire des peuples. Fils naturel du Duc Robert le Magnifique, il fut désigné comme son successeur quand celui-ci partit pour les saints lieux. Reconnu comme tel en 1035, par les barons Normands, il dut combattre contre le roi de France pour faire reconnaître ses droits. Il s’allia alors avec son beau-père, Baudoin, comte des Flandres, tuteur de Philippe 1er, et profita de la minorité de ce prince pour faire sa conquête.

      S’étant assuré l’appui du pape Alexandre II, il prétendit au trône d’Angleterre à la mort d’Edouard le Confesseur, et ayant débarqué avec une armée de Normands et de Flamands, gagna la fameuse bataille d’Hastings (1066) ou Harold fut tué, et se fit couronner à Londres. Il devenait ainsi Duc de Normandie et Souverain Anglais. Tels sont les faits que rapporte l’Histoire.

 

      La conquête, comme il arrive toujours en pareil cas, mettait en présence deux peuples de race et de civilisation différentes. La fusion cependant s’opéra assez rapidement grâce à l’habileté de Guillaume qui avait promis à ses nouveaux sujets de gouverner selon les lois de son prédécesseur Edouard le Confesseur. En peu de temps, il sut préparer l’unité du pays et en faire, comme il avait fait de notre Normandie, un état “solidement organisé dans des principes d’ordre et d’autorité”.
 

      Dans le domaine religieux, celui qui nous occupe spécialement aujourd’hui, l’activité de Guillaume le Conquérant ne fut pas des moindres. Ayant constaté le relâchement des monastères et des mœurs ecclésiastiques, il voulut que les évêques et les moines soient pour le peuple des exemples vivants et qu’ils deviennent ses meilleurs collaborateurs dans l’administration du royaume qu’il fondait.

      Et c’est ainsi que pour faire l’amendement qu’il désirait, il amena à sa suite de simples religieux, renommés pour leur sainteté et leur savoir, dont il fit des évêques et des abbés. On vit alors Hubert, aumônier de Fécamp et prieur de Guillaume de Ros, devenu abbé de Romésie, puis évêque de Tredfort (1091). Remy de Fécamp, également disciple de Guillaume de Ros, eut en échange d’une barque qu’il avait amené pour la conquête de l’Angleterre, l’évêché de Dorchester (1085) qu’il abandonna par la suite pour celui de Lincoln, où il édifia à ses frais une superbe cathédrale. Vital, abbé de Bernay (1060 ?) et religieux de Fécamp, fut promu à l’abbatiat de Westminster, et enfin Herbert de Losinga devint le premier évêque de Norwich.
 

     Ces religieux, qui reçurent du Conquérant de si grandes largesses, appelèrent de leur Province des artisans de talent et c’est ainsi que le sol de l’Angleterre se couvrit de belles cathédrales et d’abbatiales, sœurs de nos églises romanes, telles les abbatiales de Saint-Augustin, de Cantorbéry, de Westminster, de Burg-Saint-Edmunds, de Leominster, de Chester, de Pershore, de Bathe-Abby, de Reading, de Tyriemounth, de Tevhersburg, de Glocester, et les cathédrales de Norwich, de Lincoln, de Winchester, etc..

      Guillaume et ses successeurs voulurent que leurs églises anglo-normandes soient grandes et somptueuses par les décorations architecturales et l’on vit alors les églises de Winchester et de Saint-Paul de Londres occuper environ 65 000 pieds carrés et l’église abbatiale de Burg-Saint-Edmunds de 68 000, quand l’église Saint-Etienne de Caen couvrait 30 000 pieds carrés et la grande église de Cluny 54 000.

     Leurs beaux chœurs, entourés de collatéraux garnis de chapelles rayonnantes ne se rencontraient qu’en Normandie, comme en l’Abbaye de Fécamp, dont les chapelles Saint-Pierre et Saint-Nicolas et leurs déambulatoires demeurent les vestiges de Guillaume de Ros, troisième abbé de Fécamp.
 

     Une particularité très intéressante pour l’histoire de l’Abbaye de Fécamp et de ses relations avec l’Angleterre, et montrant l’amour du Conquérant pour la ville dans laquelle il fut élevé secrètement, est le don qu’il fit aux moines de Fécamp du Camp d’Hastings, où périt Harold.

     Ainsi, il y a donc lieu de considérer la manifestation qui se prépare comme de grande importance au point de vue politique. Renouant à travers les âges les liens du passé, la cérémonie fécampoise doit aider à rendre plus intime encore le rapprochement entre la France, l’Angleterre et l’Italie.
 

R. GUÉRIN-VÉNIEN