FÉCAMP-FESTIF La Saison du Casino
Image extraite de l'affiche : Bains de mer de Fécamp de Charles Levy - Gallica site de la B.N.F.
 Page créée le 1er octobre 2016
    4. Les commentaires

   Quel commentaire choisir pour “immortaliser” cette dernière saison dirigée par Eugène Dugard ? Ils sont tous, unanimes à reconnaître qu'elle fût “exceptionnelle”. Nous nous contenterons donc du commentaire d’Ouverture et de celui de Clôture !

     Ouverture de la Saison Théâtrale :
 

     Le soleil levant de la saison 1886 éclaire de ses rayons notre scène d’été, et met en lumière de nouvelles connaissances. Mme Gourjou, MM. Coutard, Carpentier et Delmas sont les premiers noms qui s’offrent à notre plume. M. Dugard ne pouvait mieux choisir pour nous les présenter que d’encadrer cette “première” dans les décors de la Mascotte……
     En résumé, cette première soirée est pleine de promesses. L’interprétation a été excellente ; musiciens et acteurs ont rivalisé de zèle et d’entrain pour conquérir les bravos du public. L’orchestre est, comme tous les ans, un joyau musical, M. Dugard, un artiste né, sait se faire un cortège digne de sa direction.

 

Leduc d'Harrans dans La Plage Normande du 18 juillet 1886 - collection J.-P. Durand-Chédru

     Clôture de la Saison Théâtrale :
 

     La dernière note, vocale ou instrumentale, a résonné dans le grand salon du casino. Les deux jours d’agonie de la saison 1886 ont du moins été bien remplies.


     Mardi, pour les adieux de M. Dugard et de la troupe, nous avons eu une soirée délicieuse : Les Espérances, les Noces de Jeannette, le premier acte de la Dame Blanche ; le programme était, vous le voyez, attrayant et le public a répondu en foule à ces belles promesses.

     Melle d’Athis et M. Vergny ne pouvaient mieux choisir que les rôles d’Hermance et d’Horace de la coquette comédie de Paul Billaud pour nous tirer leur dernière révérence et solliciter nos derniers bravos. Le public de mardi soir qui n’était composé que de fidèles de la saison a prouvé sa chaleureuse sympathie envers ces deux artistes.

     Mme Cavé paraissait de nouveau dans les Noces de Jeannette où elle a remporté un succès au moins égal, et ce n’est pas peu dire, à celui qui l’a accueilli vendredi dernier sur la scène du Casino fécampois. Sa voix juste, harmonieuse, et j’ajouterai savante, a suffi pour saluer les bravos de toute la salle.

     M. Carpentier a corrigé un certain petit défaut qui, le premier jour, a pu blesser les oreilles tant soit peu musicales ; je veux parler d’un chevrotement de voix trop accentué qui enlevait à la beauté du chant. Le Jean du deuxième jour a été sans reproches.

     Le clou de la soirée de mardi était le premier acte de la Dame blanche où M. Delmas s’est montré tel qu’il est et tel qu’il nous est apparu dans l’œuvre d’Adam (Si j’étais Roi !) : c’est-à-dire parfait artiste. Le grand air : Ah ! quel plaisir d’être soldat ! a été par lui enlevé avec une assurance qui, sans nous étonner, a affermi l’excellente opinion que nous avions déjà de son merveilleux talent. M
me Mondoré et M. Baudhin ont vaincu les difficultés de leur rôle de Jenny et de Dickson ; Jenny a été comme on la peut désirer dans l’interprétation de l’air : Voyez d’ici ce beau domaine… Les chœurs ont soutenu la note du refrain avec beaucoup d’ensemble… Et le trio : je n’y puis rien comprendre a été vaillamment mené par ces deux artistes, de concert avec M. Delmas. Dans l’ouverture l’orchestre a été brillant, comme il l’est toujours, quand M. Dugard tient le bâton.
 

     La soirée de Clôture, consacrée au bénéfice de MM. les musiciens, a réuni une chambrée flatteuse pour les bénéficiaires. Le programme, bien choisi, y a, il est vrai, bien contribué.

    Les applaudissements n’ont pas été ménagés après l’ouverture du Domino noir, dont l’exécution irréprochable est un succès qui couronne tous ceux que M. Dugard compte à son actif pour cette saison.
 

     L’Opérette d’Offenbach, le Violoneux, réunissait dans un trio sympathique Mlle Gourjon, M. Delmas et M. Carpentier : Melle Gourjon vive et enjouée sous l’accoutrement rustique de Jacqueline ; M. Delmas, naïf comme il convient, sous celui de Pierre ; M. Carpentier, un père Mathieu bien compris et parfaitement exécuté. Mais le succès du jour, pour ces trois artistes, étaient ailleurs que dans ces rôles trop simples.


     - Melle Gourjon avait, comme éléments plus certains, le grand air des Bijoux de Faust, et son rôle de Gertrude, du Maître de chapelle ; elle s’est montrée aussi capable de se rompre aux difficultés de la musique de Gounod, qu’à celle du genre de Paër.

     - M. Delmas tenait en réserve les brillants effets qu’il sait tirer du grand air de la Dame blanche : Ah quel plaisir d’être soldat !...Ah quel plaisir pour nous de l’avoir entendu une seconde fois ! Hélas quel déplaisir d’avoir à dire adieu à ce charmant ténor !

     - M. Carpentier a pu donner à sa belle voix un large essor dans l’air de la Coupe du Roi de Thulé et surtout dans le rôle de Benedetto, du Maître de Chapelle
 

    Mais, n’en déplaise aux amateurs de la grande musique, la Lisette de Béranger est, pour moi, au niveau des phrases plus ou moins sonores des œuvres de Païer, de Gounod, de Dias et de tout autre. C’est être français que d’aimer la chanson et l’adoration qui, sous ce rapport, est due à Béranger vaut le culte voué aux œuvres des grands maîtres. Mme Legrand a chanté Lisette avec un sentiment prononcé du genre.


     Le Pot-pourri de M. Dugard a recueilli des applaudissements mérités. Sous ce titre, l’habile compositeur a réuni dans un gracieux ensemble une foule de motifs empruntés aux opéras les plus connus, entremêlés d’airs populaires qui en égaient la note. L’exécution de ce pot-pourri a été souvent coupé par des bravos de l’assistance ; il en a été de même de la romance sans paroles, due au talent de composition de M. Dugard et exécuté sur la flûte de M. Gilson qui déjà, s’était fait applaudir dans une fantaisie sur Mignon, hérissée de difficultés.
 

     En résumé brillante clôture : à la gloire de M. Dugard et de ses pensionnaires. À tous : bravo et adieu !

 

Leduc d’Harrans dans La plage Normande du 19 septembre 1886 - collection J.-P. Durand-Chédr