FÉCAMP-FESTIF - LES BAINS de MER - Le nouveau Casino
Dernière mise à jour le 01.02. 2018
 
   Décembre 1907
 

     .......Nous voici arrivés à la partie la plus intéressante du cahier des charges, celle qui concerne le programme de réjouissances imposées au preneur. Je tiens à le citer en entier ; Courteline aurait dit qu’il valait son pesant de beurre salé. On ne saurait rêver, en effet, rien qui ne fut plus … audacieux, que cette liste d’obligations dont on ne sait ce qu’il faut le plus admirer. Que pensez-vous de ces kermesses, dont le produit est destiné aux œuvres de charité désignées par M. le Maire. (il n’y est encore pour rien peut-être !) de ces représentations (2 pour la saison) avec le concours du Français et de l’Odéon – on n'a pas osé aller jusqu’à l’Opéra. Et je ne vous parle pas du double orchestre, tzigane et symphonique, des fêtes foraines, des petites régates, des ascensions “avec le concours de la marine…. En cas de chute en mer (naturellement), du feu d’artifice, des embrasements etc., etc.”

    M. le Maire en signant ces “présentes”, pour parler le jargon des notaires, a dû en voir vingt-cinq mille chandelles ; et je vous fiche mon billet qu’il ne pensait plus alors aux rues qui sont sales, aux trottoirs qui sont à faire, aux égouts qui n’existent plus, au Marché qui ressemble à une écumoire. M. le Maire faisait un Casino ; un casino qui tuerait Vichy et Cabourg, et Trouville et Ostende. – Comme il se devait trouver grand en présence d’un tel projet !

Vous lirez ce programme ; et vous vous demanderez, j’en suis sûr, avec nous, qui l’on cherchait à tromper dans cette affaire et qui était la dupe de la ville ou du preneur ? Laissons la parole aux points forts du bail :
 

     Neuvièmement – SAISON THÉATRALE ET ATTRACTIONS DIVERSES

     Il devra se conformer au programme établi par le tableau ci-après en ce qui concerne les attractions diverses et les représentations pendant la saison théâtrale.

      Représentations de gala, opéra et opéra-comique, avec le concours des artistes choristes et musiciens de ces théâtres – Cinq pour la saison. Abonnement suspendu.

Troupe de comédie-vaudeville attachée au Casino. – deux fois par semaine. Abonnement courant. 
Représentation extraordinaire avec les artistes de la Comédie-Française et de l’Odéon – Deux pour la saison. Abonnement suspendu.
Artistes en tournée spectacles divers et attractions, - Une fois par semaine. Abonnement courant.

Orchestres tziganes – De dix heures à midi, de cinq heures à sept heures, de neuf heures à dix heures.

Orchestres symphoniques. – de trois heures à quatre heures et demie, pendant les bals et spectacles.

Course de “canots automobiles”, avec prix. – Une fois dans la saison.

Course à voile avec prix. – Une fois dans la saison

Concours de natation. – Une fois dans la saison.

Petites régates au Casino. – Une fois dans la saison.


      REPRESENTATION POPULAIRE :

      Le dimanche, en matinée obligatoire, abonnement suspendu : le lundi en soirée, facultatif et abonnement courant.
Petites fêtes foraines dans le Casino avec Mât de cocagne, jeux organisés pour les enfants, Noce Normande, Bal Champêtre, baraques de saltimbanques, tenues par les artistes du théâtre. – Une fois dans la saison.

Soirées dansantes. – Deux fois par semaine.

Ascension aérostatique avec le concours de la marine en cas de chute en mer.


      DISTRACTIONS JOURNALIÈRES :

     Guignol, Chevaux de Bois, Tir à la Cible, Balançoires, Gymnastique, Salle de danse et de maintien, dirigée par un professeur de danse ; Tir aux Pigeons.

Facultatif. – Lawn tennis et croquet, en dehors du Casino.

Feu d’artifice. Une fois par semaine

Embrasement de tout le Casino, et grand pavoisement. – Les jours de grandes fêtes.

Restaurant. Café à prix déterminés.

Concert par la Musique de la Municipalité dans le Casino. - Deux fois par mois, le dimanche de trois à quatre heures.

Tea Book. – A toute heure.


     Dixièmement. – BAINS.

     Pendant le temps que M. Vives sera locataire des petits bains et bains populaires, il sera obligé envers la Ville et le public de les ouvrir en même temps que ceux du Casino. Suivent le tarif des bains et celui des places et abonnements qui n’offriraient pour l’instant aucun intérêt. Signalons seulement le n° 11 ainsi conçu :
 

      Onzièmement. – BAINS POPULAIRES :

      Il sera ouvert, pour les ouvriers exclusivement du quinze juins au premier octobre, des bains populaires au prix de quinze centimes, donnant droit seulement à la cabine.

      L’emplacement en sera désigné par la ville qui fournira les cabines nécessaires, un maître baigneur sera attaché  à cet établissement aux frais du preneur.

       Le cahier des charges continue alors d’énumérer les éblouissements du Casino. On remarquera particulièrement ce § 16 que je tiens à signaler de suite. C’est le paragraphe qui sera bientôt célèbre dans le monde entier, paragraphe ordonnant que le Casino devra toujours “avoir un air de fête et de gaieté” (!!??!!).. que l’éclairage devra toujours “être aussi complet que les circonstances le demanderont et que la municipalité l’exigera” avec ce correctif inattendu : “si le preneur voulait adopter un autre mode d’éclairage il pourrait le faire”. Ce correctif apparaîtra à certains, comme n’étant pas très bien à sa place !... Mais voit-on la commission du Casino décidant de l’air plus ou moins joyeux du Casino ? Ce bail est le meilleur vaudeville de la saison ! Dégustez-le au reste tout au long, le passage en vaut la peine :
 

     Treizièmement. - ORCHESTRE ET THÉATRES.

      Pendant toute la durée du bail et chaque saison (du quinze juillet au quinze septembre de chaque année) M. Vives devra avoir :

      1° Un orchestre suivant programme ci-dessus ;

      2° Une troupe d’artistes donnant chaque semaine, le soir, trois représentations théâtrales, le mardi, le jeudi et le dimanche, abonnement courant et, en outre, ce dernier jour, une représentation dans l’après-midi réservée aux matinées populaires. Abonnements suspendus.

Les représentations du soir devront toujours avoir trois actes au moins et se termineront à minuit au plus tard. Les entr’actes ne dépasseront pas vingt minutes, sauf pour l’un d’eux qui pourra avoir vingt-cinq minutes, les cinq minutes en supplément retranchées aux autres.

      La troupe d’artistes devra être suffisamment composée pour jour au gré de M. Vives convenablement, soit la comédie en trois actes, soit le vaudeville en trois actes.

      Les artistes ne seront pas astreints au début, mais au bout de trois représentations ils devront être remplacés dans un délai de huit jours si le Conseil municipal en fait la demande.

     Le répertoire devra être aussi varié que possible, et comporter des représentations d’opéra-comique, d’opéra et de comédie, par des troupes en représentations, suivant programme ci-dessus.

     M. Vives sera tenu, chaque saison de donner au moins une pièce nouvelle en vogue et de donner au moins une représentation de bienfaisance, comprise dans les trois jours réservés ci-dessus par la ville, avec le concours de toute la troupe et de l’orchestre, dont tous les frais d’éclairage, droits d’auteur, artistes, etc., seront à la charge du preneur.
 

      Quatorzièmement. - SOIRÉES DANSANTES, BALS D’ENFANTS

      Pendant toute la saison, outre les représentations théâtrales, M. Vives devra donner chaque semaine :
      Le mercredi et le vendredi une soirée dansante avec orchestre.

      Le jeudi un bal d’enfant de trois heures à cinq heures.

      Le preneur ne pourra donner en aucun jour des soirées dansantes ou bals à grand orchestre à un prix inférieur à un franc cinquante centimes.
      Un orchestre réduit ou un pianiste au moins devra être conservé jusqu’au trente septembre, afin de pouvoir continuer les soirées dansantes tous les jours après la cessation des représentations théâtrales.

      Les bals ou les soirées dansantes avec orchestre auront lieu dans la salle à ce destinée.
 

      Quinzièmement. - CABINET DE LECTURE

     Le preneur devra constamment tenir huit journaux quotidiens à deux exemplaires dans le cabinet de lecture, au choix de l’administration municipale, indépendamment des journaux de la localité.
 

      Seizièmement. – ECLAIRAGE :

      Le Casino devra avoir, pendant la saison, un air de fête et de gaîté, l’éclairage devra toujours être aussi complet que les circonstances le demanderont et que la municipalité l’exigera. Cet éclairage ne sera obligatoire qu’à partir du premier juillet au quinze septembre. Si le preneur voulait adopter un autre mode d’éclairage, il pourrait le faire, avec l’autorisation de l’administration municipale.
 

       Dix-septièmement. – PROPRETE DU CASINO, PLATES-BANDES :

       Le preneur devra tenir le Casino et ses dépendances, les bains chauds et froids et les meubles, dans un parfait état de propreté, notamment le linge et les costumes de bains.

      Toutes les pièces, à l’exception de l’estaminet, devront être cirées et parfaitement entretenues. Il devra également approprier chaque année, les plates-bandes de terrasse et les tenir dans un parfait état pendant toute la saison.

Il est interdit de laisser s’organiser aucun jeu pouvant gêner la circulation sur la terrasse du Casino, qui reste exclusivement affectée aux promeneurs sauf pour les fêtes organisées et acceptées par la municipalité.
 

        Dix-huitièmement. – AFFICHAGE :

       Le preneur pourra laisser afficher les affiches et pancartes donnant aux baigneurs des indications sur les chemins de fer et la location des voitures (sans exclusion d’aucun loueur de la ville), à “l’entrée extérieure” de l’établissement. Toute publicité sera soumise à l’agrément de la municipalité. (!!!!)
 

       Dix-neuvièmement. – PERSONNEL ET GENS DE SERVICE :

      Le personnel et les gens de service du Casino ne pourront séjourner dans les salles du casino ni sur la terrasse qu’autant que leur présence sera rigoureusement nécessitée par le service.

      Le § 20 fixe les conditions de la fête des régates, le § 21 les impôts, le § 22 le droit des pauvres (500 francs), le § 23 les assurances, le § 24 les servitudes (passages autorisés, loge du maire, loge des adjoints). La sous-location est définie par le § 25 dont voici la teneur :
 

      Vingt-cinquièmement. -  CESSION DE BAIL. SOUS-LOCATION

      Le preneur sera tenu d’assurer l’exploitation du Casino, soit par lui-même, soit en se substituant un ou plusieurs locataires.
Toutefois, il ne pourra céder son droit au présent bail en totalité ou en partie, ni sous-louer qu’à des personnes agrées par la Ville de Fécamp.

Mais il demeurera personnellement garant et répondant solidaire de sous-locataires ou cessionnaires envers la ville, tant pour le paiement exact des loyers et charges de toutes natures que pour l’exécution entière de toutes les conditions du bail.
       Tous les droits de sous-locataires partiels seront réservés en ce qui concerne le matériel qu’ils pourront introduire personnellement dans le Casino pour l’exploitation de la partie à eux sous-louée.

       Du § 26 au § 30, il est question du cercle, du cas de décès, des tramways, de la cession d’eau. Nous arrivons alors à des clauses particulièrement intéressantes pour le procès actuel et son prédécesseur : la publicité, le cautionnement, la résiliation :
 

       Trentièmement. – RÉCLAME. PUBLICITÉ.

       Afin de mettre en relief tous les avantages de la Ville de Fécamp, de son Casino, de sa plage, de son hydrothérapie et de ses bains, le preneur devra faire une publicité analogue, toutes proportions gardées, avec celle qui est faite par les stations balnéaires similaires, il devra justifier chaque année des frais qu’il aura faits pour cet objet.
 

       Trente-et-unièmement. – CAUTIONNEMENT.

       Pour assurer l’exécution de toutes les charges, clauses et conditions du présent bail, et de tous les engagements par lui pris envers la Ville de Fécamp aux termes des présentes, M. Vives devra verser à la Ville de Fécamp et entre les mains de M. le receveur municipal de cette ville un cautionnement de trente mille francs, soit en espèces, soit en rentes trois pour cent, nominative sur l’État français à son choix.

       Lequel cautionnement doit, dans plusieurs cas prévus au dit bail, devenir la propriété de la Ville de Fécamp ainsi qu’il est expliqué ci-dessus. Sur lequel cautionnement M. Vives a versé, dès avant ce jour, la somme de dix mille francs entre les mains de M. le receveur municipal de Fécamp.

        Ladite somme de dix mille francs a été employée, à la demande de M. Vives, en deux titres de rentes trois pour cent sur l’Etat français, en son nom.

Quant aux vingt mille francs formant le solde de son cautionnement, M. Vives s’oblige à le verser entre les mains et à la caisse de M. le Receveur municipal de Fécamp, le trente avril prochain.

       En cas de versement de cautionnement en rente sur l’État, la somme représentée par la rente sera décomptée au cours moyen de la Bourse de Paris du jour qui aura précédé le départ.

      Dans le cas où le présent bail viendrait à être dénoué par M. Vives avant le premier juillet mil neuf cent huit, cette somme de trente mille francs deviendrait “ipso facto” la propriété de la Ville, et ce sans préjudice des dommages intérêts qu’elle pourrait lui réclamer.

      À partir du premier juillet mil neuf cent huit, cette somme sera affectée au cautionnement et servira de garantie à la ville pour l’exécution de toutes les clauses et conditions du présent bail.

      Les intérêts du cautionnement appartiendront à M. Vives, tant qu’il restera propriétaire de ce cautionnement et seront, en conséquence, touchés par lui directement.

      Dans le cas où M. Vives resterait propriétaire de son cautionnement à la fin de la jouissance, ce cautionnement devra lui être restitué intégralement ou à ses ayant cause, après qu’il aura justifié avoir rempli tous ses engagements envers la ville et sur l’avis d’une délibération du Conseil municipal de Fécamp.

     À défaut de paiement du loyer et des autres charges du bail aux époques et de la manière convenue, il pourra en être fait imputation sur le cautionnement par décision du maire, et, dans ce cas, le cautionnement devra être complété par M. Vives, dans le délai qui lui sera impliqué par le maire, à peine des échéances prévues ci-dessus au chapitre loyer à défaut de paiement.
 

      Trente-deuxièmement. – RÉSILIATION.

      L’administration municipale se réserve la faculté de prononcer la résiliation du bail, après avis conforme du Conseil municipal :

      1° En cas de déconfiture du preneur ;

      2° En cas de diminution du cautionnement par suite du prélèvement qui pourrait être opéré conformément à l’article qui précède ;
     3° En cas d’inexécution dûment constatée, des charges et conditions du présent bail, un mois après mise en demeure restées sans effet faites à un mois d’intervalle.

 

      Trente-troisièmement. – PROHIBITION DE CONCURRENCE

      Pendant la durée de la saison théâtrale, l’administration municipale, dans la mesure de son autorité, évitera toute concurrence à l’exploitation du Casino, notamment les autorisations de cirques et théâtres qui demanderaient à jouer plus d’un jour sur les places publiques ; seuls les saltimbanques ordinaires des petites foires pourront être autorisés.
 

       Trente quatrièmement. – CONTESTATIONS

       Toutes les contestations auxquelles le présent bail pourrait donner lieu, seront soumis à la décision de deux arbitres choisis contradictoirement par les parties, lesquels arbitres s’en adjoindront un troisième en cas de désaccord.
Dans tous les cas, les arbitres, les tiers arbitres seront dispensés de toutes les formalités et ne seront astreints à aucun délai de procédure, ils trancheront définitivement, et en dernier ressort, les questions qui leur seront soumises, et les parties s’obligent formellement à s’en rapporter à leurs décisions sans appel ni pourvoi en cassation.

 

       Trente-cinquièmement. – AMENDES.

      Des amendes de vingt-cinq à cent francs pourront être prononcées par le maire, le preneur entendu dans ses observations, à raison des clauses et conditions dont l’inexécution n’aurait pas la sanction dans le présent bail.

       M. le Maire désignera une personne chargée de surveiller l’exécution des conditions du présent bail et de signaler toutes les infractions.
       Telles sont les principales clauses de ce bail. Nous pensons que les commentaires en affadiraient le sel. Ce document, dressé au mois de septembre, ne fut signé que le 14 janvier suivant. La raison en est dans ce fait qu’avant même la signature des pièces, des difficultés s’étaient élevées entre la Ville et son preneur éventuel, celui-ci n’ayant pas encore, à la fin décembre, payé la part de cautionnement qu’il devait verser à cette même signature. 


Retour vers :  L'Établissement de 1909