FÉCAMP-FESTIF - La FÊTE DANS LA RUE
Dernière mise à jour le 15 février 2017

 

     Journal de Rouen 26 août 1862
 CHRONIQUE MUSICALE
 GRANDE FÊTE ARTISTIQUE À FÉCAMP

 

     La fête artistique qui, ainsi que nous l’avions annoncé, a eu lieu dimanche à Fécamp, avait, comme toutes les fêtes de ce genre, répandu dans cette ville le mouvement, l’animation, la vie : c’est l’effet que produit toujours la musique d’ensemble, la musique populaire, la musique qui rallie les masses et qui produit les harmonieuses associations dont nous avons tant de fois eu l’occasion de signaler l’influence civilisatrice. Les concours des fanfares et des sociétés musicales et orphéoniques de nos contrées normandes n’avaient pas réuni moins de 400 exécutants. Un grand nombre de visiteurs unis à la foule élégante des baigneurs qui, depuis ces derniers jours, peuplent le casino de Fécamp, formaient un brillant auditoire pour l’intéressante lutte musicale qui allait s’engager.


     C’est une heureuse idée que de provoquer ainsi ces grands mouvements de population à l’appel de l’art divin qui leur cause tant de jouissance et qui ne peut que les rendre meilleures et plus sympathiquement unies. L’honneur de l’organisation et de la direction du festival dont nous allons rendre compte revient tout entier à un homme de cœur, d’intelligence et de dévouement, qui, a lui seul, à force de zèle et de persévérance, a conçu et réalisé cette artistique entreprise ; cet homme, auquel les artistes, les vrais amis de l’art musical, doivent payer un juste tribut d’éloges, c’est M. Lemasurier, fondateur déjà de la Société Mélophile, dont il est le président, et fondateur aussi de ces fêtes, dont la seconde avait lieu avant-hier. C’était une lourde tâche que M. Lemasurier s’était imposé ; il l’a sérieusement remplie, et le succès qu’il vient d’obtenir doit lui assurer à l’avenir l‘assistance active de l’autorité municipale, qui a dû se convaincre hier, une fois de plus, des avantages que la ville de Fécamp peut retirer de ces réunions artistiques et populaires.


     L’autorité supérieure avait accordé à l’œuvre de M. Lemasurier une protection aussi bienveillante qu’éclairée. M. le sous-préfet du Havre est venu présider cette solennité. Il l’a patronnée de sa présence et de ses encouragements ; dans quelques paroles prononcées avec chaleur et conviction, il a hautement approuvé le but moral et civilisateur de ces institutions destinées à propager l’art musical et ses bienfaits sociaux. La cordiale affabilité avec laquelle M. le sous-préfet s’est acquitté de sa présidence qu’il avait bien voulu accepter a donné à ce concours tout le charme d’une fête de famille. Nous ne pouvons qu’adresser, au nom de tous, des hommages et des remerciements au digne représentant de l’autorité supérieure, qui sait si bien comprendre et accomplir les devoirs intellectuels de sa haute position.


     L’autorité municipale a fait une très courte réception à ses hôtes. Toutefois la ville de Fécamp n’a pas encore, ce nous semble, l’habitude de ces grandes réunions : c’est la seconde fois seulement qu’elle se trouve, comme on dit, à pareille fête. Elle parait encore en être aux premiers éléments de l’organisation matérielle et de l’ornementation de ces cérémonies artistiques. Nul doute que l’année prochaine on y voie une estrade recouverte de toiles ou de tapisseries, un mobilier confortable, une tente, une marquise, enfin un abri quelconque qui défende les membres du jury des ardeurs excessives du soleil ou des surprises trop rafraichissants de quelque averse subite. Du reste, rien de plus aimable que l’accueil fait aux membres du jury et aux sociétés par M. le maire[1] et ses adjoints.


     Douze sociétés instrumentales ont concouru. Nous devons dire tout d’abord que ce spécimen des études musicales et de leurs progrès dans nos contrées est des plus satisfaisants. Généralement on trouve dans l’exécution de ces fanfares les traces d’un consciencieux enseignement et d’un goût musical développé dans de bonnes tendances.


      Dans toutes ces sociétés nous avons remarqué le sentiment de la justesse du rythme et de l’ensemble ; ces qualités n’y sont, sans doute, pas à égale dose, puisqu’elles ont donné lieu à des récompenses inégales ; mais elles existent et méritent d’être signalées, au plus grand honneur des chefs intelligents et de leurs élèves.


     Le concours était séparé en deux divisions, qui ont eu également à exécuter un morceau imposé et un morceau au choix. Dans la première division, pour le morceau imposé, la société de Gisors a eu le premier prix, médaille d’or ; le deuxième prix a été décerné à la société d’Yvetot, et le troisième à celle d’Etrépagny, médaille d’argent. Les sociétés de Saint-Joseph, du Havre, de Bolbec et des Andelys, ont obtenu des mentions honorables.


     Pour le morceau au choix, le premier prix a été décerné ex æquo aux sociétés de Gisors et d’Yvetot, deux médailles d’argent ; le deuxième prix à la société d’Etrepagny, médaille de bronze, et troisième a la société de Saint-Joseph, du Havre, médaille de bronze.

     Dans la seconde division, pour le morceau imposé, le jury a accordé le premier prix à la société d’Orbec, médaille d’or ; le deuxième prix, à la société de Saint-Romain, médaille d’argent ; le troisième prix, à la société des Loges, médaille de bronze.

     Une seule société chorale s’est présentée, c’est la Neustrienne, d’Orbec, qui a chanté avec un ensemble parfait et avec beaucoup de délicatesse de style le Printemps de M. Charles Vervoitte, et les Enfants de Paris, d’Adolphe Adam.

     Tous ces prix ont été décernés par un jury composé de MM. Van der Gult, violoncelle-solo du Théatre-Italien ; Pazetti, premier violon des Italiens ; Lartelier, premier cor-solo du théâtre du Havre ; Hamet, chef d’orchestre du Casino de Fécamp ; Chemin, hautboïste du théâtre de Rouen ; Surdun, première clarinette du Casino de Fécamp, et Amédée Méreaux.

     Après la courte mais chaleureuse allocution dont nous avons reproduit le sens si élevé, M. le sous-préfet du Havre a distribué les médailles, et la cérémonie a fini par une fanfare dans laquelle se trouve très heureusement amenée la mélodie nationale, Veillons au salut de l’Empire ![2] exécutée par toutes les musiques réunies.

A. Méreaux

Journal de Rouen 26 août 1862 - Archives départementales de seine-Maritime - cote : JPL 3_144

  

CONCLUSIONS DE LA PRESSE :

     Cette manifestation, pourtant seconde du genre, doit encore s’imposer ! Elle est organisée par le fondateur de la société musicale Mélophile M. Masurier, la participation municipale, encore timide, et pourtant : comme toutes les fêtes de ce genre, s’est répandu dans la ville le mouvement, l’animation, la vie : c’est l’effet que produit toujours la musique d’ensemble, la musique populaire, la musique qui rallie les masses et qui produit les harmonieuses associations dont nous avons tant de fois eu l’occasion de signaler l’influence civilisatrice……. 

 
[1] Jacques HUET
[2] Second empire 1852-1870