Page créée le 17 septembre 2017 - modifiée le 22 septembre 2017
Journal de Rouen 5 février 1905
À FÉCAMP Le Mausolée des Marins
Demain 6 février, à 11 heures et demie, la ville de Fécamp inaugurera, au cimetière, le monument élevé par souscription à la mémoire de marins morts en mer. C’est un projet qui avait réuni à Fécamp d’unanimes sympathies. Le maire de Fécamp, le Conseil municipal, l’administrateur de la marine, se rendront au cimetière où le monument sera béni par M. l’abbé Lemonnier, vicaire général, accompagné d’un nombreux clergé.
Ce monument est dû à la collaboration de M. Alker, architecte à Rouen, et M. Langrand, artiste peintre bien connu, excellent portraitiste, qui habite Caudebec-en-Caux.
Très original et pittoresque, sortant de la banalité ordinaire, ce monument élevé “aux marins morts en mer” est conçu dans une note d’art très moderne, aussi bien dans ses profils, ses moulurations, que dans sa partie décorative. On y sent l’influence sobre et raisonnée de “l’Art nouveau”, jusque dans la matière employée qui est le grés cérame, de différentes tonalités et duquel on peut tirer des effets décoratifs inédits très curieux.
D’une silhouette très mouvementée que permet l’emploi de la matière céramique, ce monument se compose d’un obélisque quadrangulaire, terminé par un court pyramidion dont la base, s’élargissant en une gorge d’une courbe gracieuse, repose sur un socle carré, que flanquent, aux angles, des faisceaux de colonnettes trapues, dont le profil rappelle le style gothique. Sous la corniche d’entablement du socle sont nichées, aux quatre angles, des mouettes, aux ailes étendues, oiseaux de tempête qui symbolisent pittoresquement la Mer et ses périls. Aussi bien, tout le soubassement décoratif est formé par des vagues écumantes qui semblent déferler contre le pied du monument, qu’elles assaillent de tous côtés. Aux angles, formant des motifs très découpés, se dressent des proues largement recourbées de navires normands, ces drakkars, sur lesquels les pirates du nord – nos ancêtres – fendaient les flots. Les proues de ces navires couronnées par des têtes grimaçantes, mi- dragon fabuleux, mi- hippocampes marins, les anneaux d’amarrage, les bordages décorés de clous, ajoutent encore, au caractère maritime de la décoration générale.
Sur la face principale de l’obélisque, orné de motifs empruntés aux algues et au varech, se détachent les armoiries de la ville de Fécamp surmontées de la couronne murale, et une large croix latine. Les panneaux du socle partent au centre des ancres marine et sur la face principale l’inscription : “Aux marins morts en mer”. Une bouée de sauvetage particularise encore le caractère général su monument qui repose sur un piédestal formé de robustes moulurations, que décore un motif courant en dents de scie.
L’aspect général est d’une vive originalité artistique et cette tentative pour rénover un thème décoratif souvent vu est très intéressante. Evidemment, avec sa coloration, ce monument tranche avec la tonalité générale de nos cimetières. Il ne faudrait par attacher pourtant trop d’importance aux critiques. L’œuvre est belle et bientôt elle n’étonnera plus.
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Une note communiquée par la mairie de Fécamp, dit que la pyramide n’est que provisoire. C’est la partie qui peut, d’ailleurs, être le plus aisément retouchée. Si elle parait trop éclatante, les tons pourront être adoucis. Ce monument à 4 mètres 85 de hauteur et 2 mètres 50 à la base.
Source : Journal de Rouen - Archives départementales de la Seine-Maritime - cote JPL 3_228 - 5 février 1905
Si cet événement n’a rien de festif au sens propre du terme, il nous semble qu’il mérite sa place dans “Les Grands Événements”.
La mer de tout temps cruelle, n’a épargné personne ! Cet hommage avait toute raison d’être perpétué, bien que ce Cénotaphe, ait subi des outrages, ainsi que nous rappelle le panneau ci-dessous, implanté au Petit parc, (comme le public fécampois se plait à l’appeler).