FÉCAMP-FESTIF - Introduction
 
 Page créée le 16 septembre 2016


Congrès de l'Association Normande - Fécamp 17 juillet 1850

Notice sur les effets du choléra - lue par M. Marchand

     Messieurs,

     L'étude chimique à laquelle je me livre, depuis plusieurs années déjà, sur les eaux qui alimentent la ville de Fécamp, m'a conduit à rechercher la dispersion de l'épidémie cholérique dans notre ville, en 1832 et en 1849. Mon travail n'est pas encore terminé ; mais quelques-uns des résultats auxquels je suis arrivé m'ont paru trop dignes d'intérêt pour que je ne me croie pas obligé de vous les communiquer.

     Vous me permettrez cependant, Messieurs, d'apporter une certaine réserve aux explications publiques que j'ai à donner ici ; la gravité du sujet que je me propose de traiter m'en fait un devoir. Pour simplifier la question, j'ai dressé un plan indiquant, pour chaque rue, la proportion des décès occasionnés par le choléra en 1832 et en 1849.
     Ce plan, j'ai l'honneur de le mettre sous vos yeux. De son examen il résulte, Messieurs, qu'à l'une et l'autre époque, le choléra a plus particulièrement sévi dans les endroits humides ou exposés à l'influence malfaisante des courants d'eau. Certains quartiers, plus spécialement maltraités en 1832, l'ont également été en 1849. Je puis citer, à l'appui de ce que j'avance, un quartier placé évidemment dans de mauvaises conditions hygiéniques, lequel a cédé seize victimes au fléau en 1832, et lui en a abandonné treize en 1849.
     Je puis encore citer une rue, dont les conditions sanitaires n'ont pas sensiblement varié, et qui, dans l'une et dans l'autre épidémie, a compté quatre victimes. Une autre rue, voisine de cette dernière, placée dans de plus mauvaises conditions encore en 1849 qu'en 1832, a, dans notre dernière épidémie, vu s'accroître ses pertes. Il y est mort quatre cholériques en 1832, et six en 1849.Je pourrais encore vous montrer quelques maisons plus déplorablement situées que les autres, et fournissant au fléau, à chaque époque, un même nombre de victimes.
     Je pourrais même, ce qui malheureusement est plus grave encore, suivre le fléau dans sa marche ascendante au sein de quelques quartiers. Je me borne à signaler ce fait douloureux, en me hâtant d'ajouter qu'en indiquant le mal, il me sera facile de signaler le remède. Cependant, comme il y aura là des mesures administratives à prendre, je me réserve d'en faire, avant toutes choses, l'objet d'une communication à l'Académie nationale de médecine et au Conseil de salubrité de notre département.
    En revanche, maintenant, certaines rues ont éprouvé une amélioration notable, et parmi elles je me plais à citer la rue des Forts et la rue Sous-le-Bois.

 

La rue des Forts, qui, en 1832, était étroite, resserrée, privée d’air, et dont les habitants en grand nombre s'alimentaient avec l'eau insalubre de la Voûte, avait abandonné cinq victimes au choléra. À la suite de travaux considérables, l'épidémie de 1849 l'a trouvée élargie, assainie, éclairée, aérée ; la prise d'eau sur la Voûte a été supprimée : aussi le choléra l'a-t-il traversée sans y laisser des souvenirs regrettables.

La rue Sous-le-Bois, qui, en 1832, a vu mourir huit de ses habitants, n'en a perdu que deux en 1849. C'est qu'en 1832, cette rue, plus rapprochée de la retenue qu'elle ne l'est aujourd'hui , était toujours sale , humide ; que ses ruisseaux mal disposés retenaient une eau infecte et croupissante , source délétère de miasmes putrides ; c'est qu'enfin ses habitants , privés de bonne eau potable , ne pouvaient, pour leur alimentation, que consommer l'eau saumâtre de quelques puits qu'ils avaient à leur disposition.


     En 1849 , au contraire, la route départementale de Fécamp à Valmont, qui longe toute cette rue en l'élargissant, avait remédié aux premières causes d'insalubrité que je viens de signaler. Puis, ensuite, l'introduction en ville de l'eau des fontaines de Grainval, que le peuple, dans sa gratitude, désigne par le nom de Bigot, ce simple et intelligent ouvrier qui, à force de soins et de persévérance, est parvenu à nous en doter ; cette introduction, dis-je, avait permis d'établir, à l'extrémité du port la plus voisine de la rue Sous-le-Bois, une borne-fontaine, dont l'eau, très éminemment potable, alimente aujourd'hui tous les habitants de ce quartier.

      Ici se terminent les observations que j'avais à vous présenter, Messieurs, sur nos deux épidémies cholériques ; épidémies d'autant plus intéressantes à étudier, que le nombre de victimes qu'elles nous ont enlevées a été sensiblement le même pour chacune d'elles, c'est-à-dire 122 en 1832, et 126 en 1849.
 

     Puisque je viens tout-à-l'heure de parler des eaux potables, je vous demande, Messieurs, la permission de dire quelques mots des résultats analytiques que j'ai obtenus en les étudiant. La ville de Fécamp, comme il est facile d'en juger par le plan que je viens de mettre sous vos yeux, est sillonnée par un grand nombre de cours d'eau, parmi lesquels trois servent plus particulièrement pour les besoins de ses habitants.
 

Le premier, ou Fontaine-Goyer, qui prend sa source au pied de la colline du Canada, a été amené en ville par les soins des Bénédictins de Fécamp, pour leur usage personnel. L'eau qu'il fournit est douce, agréable au goût, inodore, et jouit d'une potabilité parfaite. Chaque kilogramme de cette eau contient 0,56087 g de principes salins ou terreux, au nombre desquels se trouve une matière organique en quantité peu considérable, puisque sa proportion n'est que de 0,00074 g  par litre d'eau.

Le second cours d'eau, ou les Fontaines-Bigot, dont j'ai déjà eu l'occasion de parler, est plus pur, et par conséquent ; plus pauvre que le précédent en principes salins. L'eau qu'il fournit ne contient que 0,55688 g  par Kg et seulement 0 g 00016 de matière organique. Ces deux sortes d'eau sont très bonnes et très convenables pour tous les usages relatifs à l'alimentation.

 

Voici, d'après mes analyses, la composition.
 

Le troisième cours d'eau, ou la Voûte, mérite une mention spéciale, en ce qu'un certain nombre de personnes en font encore usage, et qu'à mon avis cette eau ne devrait être employée, tout au plus que pour le blanchissage du linge. Quant aux principes salins qu'elle contient, ils sont sensiblement les mêmes que ceux contenus dans les deux précédentes, et en proportions à peu près égales, quoiqu'un peu moins considérables cependant, s'il m'est permis d'en juger par un premier essai. En revanche, elle contient, à certaines époques, une quantité très notable de matières organiques, facilement appréciable par les réactifs. La présence de ces substances dans cette eau lui communique une saveur marécageuse désagréable, en même temps que des propriétés malfaisantes. À ce titre, son usage devrait être prohibé sévèrement. Je me propose encore d'appeler très-prochainement l'attention du Conseil de salubrité de notre département sur les inconvénients qui résultent de son emploi.
 

     Maintenant et pour terminer, je dirai quelques mots de la source minérale de L’Epinay, hameau situé à 5 kilomètres du centre de la ville. L'eau, qui est reçue dans un petit citerneau en maçonnerie, aujourd'hui en démolition, était complètement oubliée lorsque je pensai à l'analyser. Depuis, quelques personnes en ont fait usage et s'en sont bien trouvées. Elle est digne, de tous points, de fixer l'attention de nos médecins, qui pourront en tirer un utile parti dans tous les cas où l'emploi des ferrugineux, et surtout celui des ferrugineux associés au manganèse, est indiqué. En effet, elle contient une proportion remarquable, mais que je n'ai pas encore eu le temps de déterminer, de fer et de manganèse à l'état de proto-crénates et de protocarbonates. Elle contient, en outre, quelques chlorures et une quantité assez considérable de bicarbonate de chaux, ainsi que tous les autres principes qui se trouvent dans nos eaux potables.

Source : Annuaire des cinq départements de l'ancienne Normandie - Gallica - La bibliothèque numérique de la B.N.F. 

 

RETOUR