JOURNAL DE FÉCAMP - 28 août 1871.
Il suffit qu’une fête soit patronnée par la bienfaisance pour que le succès ne lui faillisse point. (C’est du moins ce que nous avons toujours l’occasion de constater à Fécamp.) Aussi n’avons-nous pu qu’encourager M. Guéroult dans le projet qu’il nous soumettait il y a huit jours à peine, d’organiser les courses qui ont eu lieu hier. Ce projet n’a pris corps que mercredi dernier par la nomination d’un comité, dont M. Ch. Hue avait bien voulu accepter la présidence.
C’est donc en quatre jours qu’a été préparée cette fête attrayante qui rassemblait hier dimanche, sur le boulevard de la plage, la population fécampoise et la colonie de baigneurs qui fréquente notre station et qui devient de jour en jour plus nombreuse.
Débutant avec un programme excessivement modeste, le comité a pu, en présence du bon accueil fait aux commissaires chargés de recueillir les souscriptions, augmenter le nombre et la valeur de ses prix.
Sa détermination n’aura pas été sans exercer quelque influence sur les concurrents, qui, venus en plus grand nombre, ont fait preuve cependant d’un louable désintéressement en abandonnant une partie de leurs prix au profit de l’œuvre.
Le boulevard, pavoisé de drapeaux sur un parcours de plus d’un kilomètre, offrait un coup d’œil remarquable. On ne pouvait que regretter qu’il ne possédât pas une largeur suffisante pour permettre le départ simultané de plusieurs voitures ; mais lorsque l’administration fit ouvrir cette belle promenade, il y a deux ans, nul ne pensait qu’elle deviendrait le théâtre d’un steeple-chase de cette importance, et puis d’ailleurs la construction des hôtels des bains en restreignait déjà et tout naturellement les limites.
À l’extrémité du boulevard, vers le Casino, s’élevait l’estrade du jury. De là, on n’apercevait qu’en partie la piste, mais des commissaires avaient mission de veiller, sur tout le parcours, à l’exécution du règlement.
Plusieurs notabilités, parmi lesquelles nous citerons M. Dufresne, conseiller d’arrondissement, honoraient et encourageaient par leur présence cette fête au but charitable.
L’intérêt de la lutte a surtout porté sur les courses attelées et au trot monté. Les prix ont été chaudement disputés ;l les coureurs se sont vaillamment conduits et ont été vivement applaudis. Une seule remarque cependant. Le fouet ne pourrait-il entrer pour une moins large part dans l’entrainement des chevaux ? Le public voit avec plaisir l’animal qui obéit à la voix du maître et au mouvement des guides ; il semble qu’il souffre des coups que le coursier reçoit, quand ces coups sont trop souvent répétés. Cette remarque, disons-le, ne s’adresse qu’à l’exception. La parfaite aisance de la généralité des conducteurs a été tout à fait appréciée.
Pendant la durée des courses, la fanfare municipale, installée sur une estrade faisant face à celle du jury, et dirigée par M. Poignant, chef provisoire, a fait entendre avec une complaisance vraiment digne de meilleurs éloges, les principaux morceaux de son répertoire.
Avant la distribution des prix aux lauréats de cette fête, qui laissera les meilleurs souvenirs et donne ainsi beaucoup d’espérance pour l’avenir, M. Ch. Hue, président du comité, a prononcé les paroles suivantes :
“Messieurs,
“Fécamp vient d’avoir ses premières courses de chevaux, non pas à l’instar de Rouen, de Dieppe, du Havre et autres turfs renommés, mais des courses dont la bienfaisance et un divertissement ont été les motifs et le but.
“Ce ne seront pas les dernières, il faut l’espérer du moins, car le comité a décidé de continuer son œuvre et, l’année prochaine, des dispositions, prises plus à l’avance, permettrons de faire mieux.
“L’idée de cette fête était émise, il y a huit jours, par M. Guéroult qui, appuyé de l’assentiment et du concours de plusieurs personnes, se mit de suite à l’œuvre, et mercredi notre comité était constitué.
“Le jour fixé pour ce divertissement de charité a pu paraître bien rapproché de la dernière fête, mais l’ouverture de la chasse, qui a lieu dans quelques jours, et éloigne toujours un certain nombre d’habitants et d’étrangers qui fréquentent notre plage, nous fit une nécessité de ne pas reculer, pour faire profiter les pauvres de leurs offrandes.
“C’est donc un délai de quatre jours que le comité a eu pour cette organisation. Il a fait de son mieux pour rendre la fête aussi complète et aussi convenable que possible.
“Mais je dois le constater, la tâche a été rendue facile :
- Par les souscripteurs de la ville ou étrangers, qui ont répondu avec empressement à son appel.
- Par le concours sympathique et efficace de l’administration municipale, qui a mis à sa disposition une des salles de la mairie pour ses réunions, le matériel de la ville et les agents municipaux ;
- Par M. Renaud, ingénieur, qui a rendu praticable aux coureurs le boulevard des Bains nouvellement empierré ;
- Par le vote du conseil, qui nous a permis d’augmenter les prix et d’offrir un prix spécial au nom de la ville ;
- Par MM. Victor Fréret, Frédéric Follin, Merlié, Brument-et-Capon et Duboc, qui ont gracieusement et généreusement prêté des bois, des cordes, des mâts et des toiles pour dresser et décorer la piste et l’estrade ;
- Par les musiciens, qui ont offert spontanément et gratuitement leur concours à la fête ;
- Par le directeur des Bains, qui a permis l’entrée libre du casino aux coureurs.
“Merci à tous de ces témoignages de bienveillance et d’encouragement.
“Merci à vous, messieurs, qui entourez le comité. Votre présence sur l’estrade témoigne que vous avez voulu nous prêter un appui et un concours moral.
“Merci à MM. Frédéric Follin, Dury, Fleuret, Vorin, Drouet, Moïse, Vinvards, Holley Zacharie, Leplay fils, Couturier, Meyer et Mauger Victor, du zèle qu’ils ont mis à remplir leur tâche de commissaires-quêteurs.
“Enfin merci, au nom du comité, à tous ceux qui, de près ou de loin, ont bien voulu participer à son entreprise ; merci surtout au nom des pauvres, dont la part sera beaucoup plus large que nous osions l’espérer.”