FÉCAMP-FESTIF - Les GRANDS ÉVÉNEMENTS
Page créée le 28 mars 2017

   
     JOURNAL DE ROUEN : 5 août 1889

DISCOURS DE M. LE PRÉFET

 
     M. le préfet prend ensuite la parole et prononce un très énergique discours. Il commence par rendre justice à la municipalité de Fécamp, qui a su conduire à bien toutes les questions d’utilité générale qui ont été soulevées par elle, particulièrement en ce qui concerne l’instruction publique “si attaquée par nos adversaires” et qui n’en restera pas moins la part la “plus belle de la république depuis 1871”.


     Dans l’assistance publique, la municipalité n’a pas rendu de moindres services, et M. le préfet en profite pour rendre honneur à la sœur Saint-Pierre à laquelle le gouvernement de la république a remis une médaille d’honneur (vifs applaudissements) répondant ainsi au vœu général de la population de Fécamp.


     Les questions de voierie n’ont pas été non plus négligées ; la création de l’avenue Gambetta et de la rue Gustave Lambert sont là pour le prouver. Les travaux du port viennent enfin de recevoir une solution : depuis longtemps, la chambre de commerce et la ville réclamaient des travaux supplémentaires : un crédit de 200 000 francs avait été voté par le conseil général.

     Hier, dit M. le préfet, M. le ministre des travaux publics m’a envoyé une dépêche m’annonçant l’approbation des travaux et très prochainement leur mise en adjudication.

Dans ces questions, nous avons accepté tous les concours de ceux-là mêmes qui, en toutes occasions, se croient obligés de faire à la République une guerre sans trêve et sans merci et qui n’ont jamais désarmé. Ils ont été trop heureux de s’associer à nous pour solliciter les bienfaits de la République, surtout lorsqu’ils ont pu, grâce à la complaisance de quelque chef de bureau perdu au fond d’un ministère, annoncer partout la bonne nouvelle.

 

     Nous sommes, ajoute M. le préfet, une République ouverte, et ce serait pour nous, un véritable bonheur que de voir tous les français nous prêter leur concours désintéressé, mais la République ne permettra point qu’on l’attaque hors de propos. Dans quelques mois les populations normandes auront un grand acte et un grand devoir à remplir. Sous aucun gouvernement, une nation n’a été régie par des lois aussi complétement libérales. On s’en rend compte d’autant mieux quand on se rappelle ces mauvais jours du pouvoir central, où la candidature officielle était imposée à toute la France.


    Savez-vous bien ce qu’était la candidature officielle ? le candidat était un homme choisi soit par le préfet, soit sur un ordre venu de Paris. Ses affiches étaient les affiches blanches, les affiches officielles ; les maires nommés par l’exécutif devaient servir ces candidats dans leur intérêt ; les fonctionnaires étaient mis à leur disposition et devaient coller leurs affiches et porter leurs plis ; les réunions publiques étaient entourées de formalité et de précautions qui les rendaient impossibles ; la presse était bâillonnée.

     Aujourd’hui au contraire, la presse est libre et une certaine partie en profite pour diffamer et injurier : aujourd’hui même, dans le canton de Bolbec, il s’est trouvé un parti qui n’a point hésité à dire d’un français patriote M. Jules Siegfried, qu’il était un allemand.  Ainsi que le disait le Journal de Rouen, quand un parti, quand un candidat emploie de pareils moyens, ils sont disqualifiés devant le suffrage universel.


     M. Hendle continue son discours en affirmant la volonté très nette et très énergique du gouvernement de se défendre. Partout où l’ennemi se présentera, les républicains seront là pour répondre.


     Sur trois points particulièrement, ils se montrent inébranlables. Premièrement ils ne laisseront point se poursuivre une campagne de calomnie et de diffamation ; en second lieu, ils ne permettront point la corruption du suffrage universel.

     Si un homme public quelconque, tentait à coup d’argent, à l’américaine, d’enlever une élection, nous le prévenons que nous le suivront pas à pas et que la police correctionnelle saurait venir à bout de ceux qui essaieraient de porter atteinte à la loyauté du suffrage universel. En troisième lieu, dit M. le préfet, qui rappelle qu’il est l’un des doyens des fonctionnaires, nous demandons aux fonctionnaires la réserve et la neutralité.


     Je n’ai jamais reproché à aucun fonctionnaire ses convictions ; je ne leur ai jamais demandé le sacrifice. Seulement quand on a l’honneur de servir la République, on ne doit point faire cause commune avec ses ennemis. On doit garder pour soi ses souvenirs et même ses espérances et faire seulement son devoir. Je n’ai jamais manqué de relever de leurs fonctions ceux qui ont trahi la République ; j’exigerai donc des fonctionnaires la neutralité et la réserve. Quant à ceux qui sont républicains, ils ont le droit de le proclamer et jamais nous ne leur reprocherons de se montrer les serviteurs ardents de la république.

     Le banquet est fini. M. le préfet accompagné des membres de la municipalité fécampoise et des invités, va visiter la fontaine lumineuse de la place Thiers. Car Fécamp, qui recevait aujourd’hui M. Bechmann, l’un des créateurs des fontaines lumineuses, merveilles de l’exposition, a le privilège rare de voir en petit ce spectacle féerique. Déjà le 21 juillet, jour du concours agricole, on avait imaginé d’élever un arc-de-triomphe en réduction de la Tour-Eiffel. Cette fois, c’est mieux, l’imitation approche davantage du modèle, et, grâce à cette splendide apothéose, la nuit du 4 août 1889, restera une date mémorable à Fécamp.

 Source : Archives départementales de la Seine-Maritime