FÉCAMP-FESTIF - Les Grands Événements
Page créée le 14.novembre 2015 - modifiée le 30 mars 2017, le 30 octobre 2018
    
     Journal de Rouen : 23 février 1908
Les Inaugurations

     Au Lycée de garçons

       Il est à deux pas, vite franchis au son de la Marseillaise, et sous une averse diluvienne. Le nouveau lycée de garçons de Fécamp fait partie de l’Hôtel-de-Ville, dont il constitue l’aile ouest.

      Reçu à la porte de l’immeuble par M. Fontaine, directeur, M. Maujan est conduit dans le réfectoire, où le doyen des trente-huit élèves du lycée, le jeune Debris, lui débite gentiment un petit compliment. Le sous-secrétaire d’État à l’intérieur tapote sur les joues du jeune doyen, le remercie de son compliment et lui recommande de continuer à bien travailler. “ Dans une république démocratique, ajoute-t-il, le travail est tout, et même tout, c’en est fini des privilèges d’autrefois”.
      Il faut rendre cette justice à M. Maujan qu’il a le tact d’être très court dans toutes ses réponses. C’est une qualité assez rare chez les ministres pour qu’on la signale. Il est vrai que le temps dont il disposait hier ne lui permettait pas de s’étendre sur des sujets qui, somme toute n’avaient rien de bien palpitant pour lui.

      Mais suivons-le dans sa promenade. On lui fait monter deux étages, dans le lycée qu’il redescend aussitôt. “C’est très bien !” dit-il en franchissant la dernière marche. On hèle les voitures et tant bien que mal un cortège se forme qu’avait pourtant organisé avec soin M. Edmond Legrain, secrétaire-adjoint de la mairie.

     Au Collège de jeunes filles
 

      Le nouveau collège de jeunes-filles est situé entre les rues des galeries et du Carreau.
Il y a quelques mois encore c’était un établissement congréganiste, dirigé par les sœurs de la Providence. De nombreuses jeunes-filles le fréquentaient, mais elles durent le quitter quand, après la loi sur les congrégations, force fut aux religieuses d’abandonner ce local. Une partie de l’immeuble fut d’abord cédée à la ville par le liquidateur ; l’autre partie nécessita la réunion d’un jury d’expropriation qui fixa la mise à prix à 60.000 francs.


      Nous ne discuterons pas si, comme l’a dit dans son discours M. Dolivieux, inspecteur d’Académie, “il était du devoir de la ville de Fécamp d’installer son collège de jeunes-filles dans cet établissement”. Mais on peut se demander cependant si une inauguration aussi solennelle s’imposait alors qu’une partie de la population fécampoise a gardé le pénible souvenir des conditions dans lesquelles s’est clos l’immeuble de la providence. Fallait-il souligner, avec tant d’éclat, la prise de possession de cet ancien couvent ?
 

      Dans le discours qu’il a prononcé dans la vaste salle des fêtes de l’établissement, devant M. Maujan et sa suite, installé sur une estrade où couraient des guirlandes de roses, M. Duglé a senti qu’il avait besoin de s’expliquer sur ce point et il a dit :

    En février 1906, c’est-à-dire quelques mois après que Conseil municipal avait décidé de l’ouverture des cours secondaires de jeunes-filles dans l’aile de l’Hôtel-de-Ville, je fus pré »venu que le gouvernement avait décidé la fermeture des établissements congréganistes de Fécamp, parmi lesquels un pensionnat de jeunes-filles tenu par les sœurs de la providence et un pensionnat de garçons tenu par les Frères des écoles chrétiennes.


     En mai de la même année, je fus avisé que les sœurs ne comptaient pas rouvrir de nouvelles écoles et qu’elles abandonnaient leur établissement de Fécamp sans esprit de retour. Il nous parut alors que les raisons qui nous avaient fait refuser précédemment les offres du liquidateur de nous louer et vendre leur établissement n’existaient plus, et que nous pourrions, sans froisser aucune susceptibilité acquérir leur pensionnat. C’est ce que nous fîmes.

Cela était une explication et il semble qu’on pouvait s’en tenir là. Tel n’a pas été l’avis de M. Doliveux, inspecteur d’académie, qu’on a entendu avec surprise, il faut l’avouer, s’étendre avec complaisance et dans des termes qu’on eût aimés plus discrets sur cette acquisition : L’occasion de créer le collège de jeunes-filles, tant attendu à Fécamp, a-t-il dit, se présenta en 1906 quand la loi prononça la dissolution des congrégations. Un établissement magnifique se trouva ainsi vacant, au centre même de la ville. La municipalité eût manqué au premier de ses devoirs si elle n’avait pas cherché à l’acquérir. Elle obtint du liquidateur un bail, et du ministre de l’instruction publique un arrêté qui, signé le 7 juin 1906, créait l’établissement secondaire d’instruction tant réclamé pour les jeunes filles.

      Ce nouveau collège est admirablement situé et merveilleusement installé. Avec sa cour d’honneur, sa vaste salle des fêtes, ses dortoirs parfaitement aménagés, il a vraiment grand air. C’est un des plus beaux collèges que je connaisse.

     Que M. Doliveux soit content de voir ses collaboratrices installées dans un établissement confortable, rien de plus juste, mais il a semblé à beaucoup parmi les personnes qui l’écoutaient que sa joie manquait de discrétion, et qu’il aurait pu y mettre une sourdine ; car malgré les opérations légales effectuées par la ville de Fécamp, on ne pouvait oublier que cette cour d’honneur, cette vaste salle des fêtes, ces dortoirs parfaitement aménagés étaient l’œuvre d’anciennes propriétaires qui en avaient été chassées.

     Autant on a applaudi l’inspecteur d’Académie quand il a fait l’éloge du personnel enseignant du collège, autant on a froidement accueilli la partie de son discours que nous venons de citer.

     M. Maujan, qui était au courant de la situation, n’a pas suivi M. Doliveux sur ce terrain gênant. Il s’est contenté de remercier la population fécampoise de l’accueil chaleureux ( ?) qu’elle lui avait fait, comme c’était son devoir, mais en termes plein de tact, la municipalité fécampoise d’avoir mené à bien cette œuvre considérable.

     Il a en terminant, félicité de leur zèle Melle Leplicque, directrice du collège, et ses collaboratrices, et on l’a beaucoup applaudi.
Cette inauguration s’est terminée par un intermède charmant : un menuet intitulé Goutte de Rosée, et qu’ont dansé à ravir six bambines gentiment costumées. Ce fut ravissant.

Journal de Rouen du 23.03.1908 - Archives départementales de la Seine-Maritime.