ÉCAMP-FESTIF - 
Page créée le 23.09.2018 - modifiée le 26.10.2018
 

Le CORTÈGE


     La demie sonnait aux deux églises de la ville, mais oui la demie – il n’y a que les indiscrets pour demander l’heure – quand, dans la foule massée route de Rouen et rue des Forts, un remous se produisit, significatif, celui-là :

     Des trompettes à cheval caracolent, en effet ; gendarmes et agents assurent le service d’ordre. Disons à leur louange et à celui du public également, que tout sera parfait, tant à l’aller qu’au retour. Le cortège s’ébranle. En chapeau de forme et culottes blanches, M. Joseph Devaux, membre du bureau de la Société Commerciale des Fêtes, surveille le mouvement. Son visage s’éclaire d’un sourire de satisfaction. Vous pouvez l’en croire les reines vont passer !

      Mais avant, nous verrons l’austère M. Cagnon, notre très actif commissaire de police qui, par amour des contrastes, sans doute, voisine avec M. Séverin Lair, dont la bonne humeur se traduit par un sourire. La Société Musicale de Lillebonne donne à beaucoup en passant l’envie de lui emboiter le pas, mais le moyen, je vous le demande, quand il n’est pas possible de jouer des coudes.
      Dans une voiture fleurie, nous apercevons un groupe ravissant de jeunes filles qui rient de toutes leurs dents. Une bicyclette décorée avec un goût très sûr, fait honneur à son propriétaire, M. Grivel.

      Des exclamations joyeuses nous font pressentir l’arrivée, bientôt prochaine du char de la Pêche. Fier drakkar, tout paré de verdure et de fleurs, et qui ressuscite, jusque dans le détail, un passé d’audace et de rapine. Les pirates du temps des Vikings ont cédé le pas, il est vrai, à une aimable jeunesse. Charmante sous son manteau royal, la reine, Melle Emma Recher, occupe avec maitrise et distinction le siège du pilote. Ses gracieuses demoiselles d’honneur, Mlles Claire Leleu et Marie Robert, se tiennent à ses côtés. M. Marcel Simonin, qui a donné plans et dessins, M. Rogue entrepreneur de menuiserie, Lecanu horticulteur, Lebon, tapissier, Laperdrix, décorateur ont collaboré à une œuvre rétrospective, mais combien ravissante ! Le Comité de la première section, président M. L. Soublin avait, on le voit, fort bien fait les choses.

      Le “rayon”, pardon, la Section de l’Alimentation (président M. André-Pierre Le Grand) comprenait différents groupes présentés d’une façon très originale.
 

       L’Union Musicale de Cany fait une joyeuse escorte à de jeunes cyclistes dont les “machines” semblent avoir été transformées par la baguette d’une fée. Nos compliments à Mlles Caudebec, ainsi qu’à MM. Noël fils, Poisson, Caudebec, Maurice Georges, Anquetil et Lucien Debris.

       Cavaliers superbes, des hérauts défilent. La foule, massée le long des trottoirs, n’est pas sans remarquer leur belle prestance. Très applaudie, la voiture de la goutte de lait, œuvre de M. Victor Déneuve. Deux “nounous”, Mlles France Lhommet et Guérin, se penchent sur un magnifique poupon qui repose dans un moïse. N’ayons garde d’oublier un monumental biberon dont l’enfant pourrait avoir besoin s’il venait à se réveiller, mais c’est peu probable. M. Joignant assume de tenir le rôle de père nourricier. Les frimousses éveillées d’une dizaine de petits marmitons provoquent le rire et les applaudissements. Ces petits bonshommes ont déserté la cuisine pour prendre place dans une confortable voiture fleurie mise à leur disposition par M. G. Ballandonne. Tous habillés de blanc, comme il convient, ils tranchent sur le vert des feuillages. Le coup d’œil est ravissant.

       Un délicieux cabaret normand artistement décoré par M. Georges Decaux promène – car le cabaret est ambulant – quatre enfants qui semblent avoir déjà les qualités de la race. A travers les fleurs et la verdure qui leur fait un décor ravissant, nous les voyons jouer aux dominos et fumer la pipe.

De jolies “biquettes” trainent de coquets attelages dont la mérite de la décoration florale revient à Mme Belfleur. Des chèvres libres, qui préféreraient peut-être brouter l’herbe sur le bord des routes, suivent avec beaucoup de patience les charmants enfants auxquels MM. Avenel et Decaux les ont confiées, non sans les avoir parées avec un goût exquis.

      Un cheval monté par un élégant cavalier, M. Cuffel, a troqué harnais pour un licol fait de pâquerettes. De très jolies marguerites dessinent admirablement ses lignes ; c’est sobre et de bon goût.

        Le char de l’Alimentation apparait bientôt. Très gracieux, très léger, il supporte une coupole d’où tombent, à l’avant et à l’arrière, des guirlandes de fleurs et de feuillage. La charmante reine, Melle Marie-Thérèse Selle, est entourée de ses demoiselles d’honneur, Mlles F. Delauné et Y. Crevon.

De chaque côté, nous apercevons les attributs de l’Alimentation. Des pièces de gibier et de comestibles de toutes sortes mettent l’eau à la bouche des gourmets. Une aimable jeunesse leur fait le plus ravissant des décors. M. Pierre Le Grand, directeur général de la Bénédictine, avait donné les grandes lignes. M. André-Pierre Le Grand s’était attaché à en tirer le meilleur parti. M. Collos, contremaître général de l’Etablissement, a dirigé fort habilement les travaux. C’est à lui que reviendra également le mérite de la décoration de la rue Théagène-Boufart.

       Le peintre-décorateur Grugeon, qui a toujours d’excellents dessins en tête et dans ses cartons, ne pouvait manquer de développer fort heureusement l’idée qui lui avait été soumise. M. Sampic, horticulteur, avait dévalisé ses serres pour donner au décor la fraicheur que réclame une fête des fleurs. Un tapissier expert, M. Lebon, devait tenir la main à ce que tout fut dans la note. Félicitons les ouvriers de la Bénédictine, dont le concours extrêmement dévoué a été très apprécié et a facilité les choses.
 

       Plusieurs membres du bureau de la Société Commerciale des Fêtes arrivent en landau. La foule les reconnait et les applaudit longuement. Ce sont MM. Millet et Charpentier, vice-présidents, Victor Leberquier, secrétaire, et Henry Ledun, trésorier.

De la musique, toujours de la musique. Bravo Goderville ! La fanfare est acclamée, et c’est justice. Ne se prodigue-t-elle pas depuis la veille.
Et maintenant, honneur à la 3e section (président M. Thénard), dont la voiture fleurie est absolument ravissante. Une autre voiture, sur laquelle repose une libellule obtient, elle aussi, un réel succès, Mlles Lemonnier et Jouan, qui la montent, sont également très fêtées. Le char de la reine du Commerce est fait de fraicheur et de grâce. Des artistes ont passés par là mais, avant de célébrer leurs mérites, payons un tribut d’hommage à l’aimable reine, Melle Marie-Louise Deschamps, et à ses gentilles demoiselles d’honneur, Mlles Yvonne Lemarchand et Alice Panel, qu’abrite une demi-coupole. La pensée de M. Laperdrix, dont les plans et dessins ne manquaient pas d’originalité a été très heureusement traduite par M. le Cavelier des Etangs qui a donné corps à l’idée. M. Mail, horticulteur-fleuriste avait, avec le goût sûr qu’on lui connait, mêlé les tons et les couleurs. M. Braquehaie, tapissier-décorateur, avait assumé la tâche particulièrement délicate d’apporter de l’élégance à une œuvre qui en avait déjà beaucoup. Nous ne surprendrons personne en disant qu’il y a amplement réussi.

       La fanfare de St-Pierre-en Port passe en jouant un de ses meilleurs morceaux. Une automobile fleurie présentée par M. Delaunay, industriel, roule lentement. Des murmures flatteurs font connaitre aussitôt l’impression du public. Des cavaliers bien en selle, s’avancent au pas régulier de leurs chevaux tranquilles et précèdent le char de l’industrie.

       L’idée est excellente. L’heureuse reine, Melle Andrée Sevestre, et ses demoiselles d’honneur, Mlles M. Bernard et C. Marrest, sont pour ainsi dire chez elles, car l’activité de la ville est agréablement symbolisée par l’amour du travail. Un petit temple à colonnades grecques qui supporte le trône de sa majesté ne pouvait faire oublier l’industrie locale. Celle-ci figure avec ses principaux attributs. A l’avant, un immense pylône représente le travail de l’industrie du fer ; elle retient une benne chargée de fleurs, toute légère et gracieuse, que l’on voudrait prendre et emporter sur ses épaules.

La physique et la chimie, la manne et la mécanique ont une place de choix. Des instruments de laboratoire, des ancres et des roues sont là tout exprès pour nous rappeler les besoins de notre laborieuse cité. A l’arrière, les travaux agricoles symbolisent la richesse de nos campagnes. Voici des brabants, or et argent, ainsi que de magnifiques gerbes de blé. Des personnages costumés en normands et normandes complètent l’allégorie. Idée, dessins et plans ont été donnés par M. Marcel Debris. M. Noël s’est, avec un rare bonheur, chargé de la construction. Le mérite de la décoration, fort soignée, revient à M. Laperdrix. Une profusion d’hortensias, de pieds d’alouette, de reines marguerites, disposées avec goût par M. Mail, complétaient heureusement ce tableau pittoresque de la ville et des champs. M. Lebon a tressé des torsades et disposé avec élégance, tapis et flots de ruban. Son habileté professionnelle semblait se jouer des difficultés.
 

       Un groupe de jeunes gens de la Société Bois-Rosé, fort bien présenté par M. l’adjudant Lorcher, nous donne l’occasion d’applaudir des danses très originales et d’entendre une chanson d’actualité de Robert-Robert, vendue au profit des œuvres. Nous en reproduisons les deux premiers couplets, dédiés aux Reines, ils se chantent sur l’air connu de la “Madelon de la Victoire” :
 

I

Puisque nous avons des reines

Il convient de les fêter

Autrement c’pas la peine

D’rétablir la royauté.

Rein’s d’un jour, reines quand même

Par la grâce et la beauté

Le peuple souverain aime

Acclamer vos majestés

 

Refrain

Ah oui, que Fécamp,

Déferle en chantant :

“Marie-Louise, Marie-Thérèse,

“Antoinette, Andrée, Emma,

“Vous pouvez régner à l’aise,

“Tout le monde applaudira !

“Nos souhaits et nos hommages

“Montent vers vous, respectueux

“Ce serait vraiment dommage

“Si nous n’étions pas heureux !”

 

II

 Voici Marie-Antoinette

(Le joli nom que voilà !)

La petite était bien faite

Pour mener l’char de l’Etat,

De la ville, je veux dire

Dont ell’ porte les couleurs

Un Drakkar est son empire
Son pouvoir est sans douleurs.

 

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