FÉCAMP-FESTIF La Saison du Casino
Image extraite de l'affiche : Fécamp Bains de mer de Louis Tauzin - Gallica site de la B.N.F.
Dernière mise à jour 17 octobre 2016
     4. Les Commentaires
 

     Ce qui suit n'est qu'une partie des réactions de la presse locale, les commentaires, n'ont pas manqués ! Fort heureusement pour la mémoire, la presse locale était,.. très, mais très....bavarde ! Le choix était difficile, après hésitations, seuls quatre extraits ont été retenus. Les trois premiers, ils ouvrent la saison avec 3 opéras et non des moindres en une semaine ! Et pour terminer en beauté, la fin de saison.
     Écrits sous un pseudonyme, ils ont l'avantage de nous en dire beaucoup, en peu de lignes. 

 
     FAUST opéra en 5 actes de Charles Gounod :

 

     Il va ouvrir, il ouvre, il est ouvert. Nous l’avons jeudi soir inauguré, madame ; et vous m’en voyez encore tout ahurie. C’est beau, très beau ; c’est spacieux, trop spacieux ; c’est richement décoré et j’étais tellement occupée à contempler le joli coin de falaises qu’une dame éclairait là-haut, que j’en oubliais de placer mon monde. – Croyez-vous pas, ma bonne, me disait mon vieil abonné, croyez-vous pas que nous rêvons ; j’aperçois des messieurs en smoking (en voilà encore un nom !) et toutes les dames en toilette de soirée. Guerre aux chapeaux ! et les chapeaux tomberont ! et ces portes, ces satanées portes qui claquent perpétuellement avec un bruit de castagnettes enragées ! Malheur !...

 

     Le vieil abonné paraissait tout disposé à massacrer les élégantes corbeilles de fleurs et de rubans qui résisteraient à son ardeur et à démolir les portes – d’ailleurs bien désagréables. Il se calma pourtant, car le 1er acte commençait. Bizarre ce cabinet de travail du bon docteur que les programmes appellent Faust (c’est pas un français celui-là, à coup sûr !) Des machines compliquées et des fourneaux étranges. Brr ! on ne fut pas surpris d’y voir paraître le Diable. Il manquait dans la collection.

     Heureusement, cela changea avec le second lever du rideau : une ville dont les toits s’étagent au loin et que domine au fond une merveilleuse église dont on aperçoit les arcs-boutants et la dentelle de pierre. Au premier plan, des portants de feuillage qui font à la scène un encadrement de verdure du plus bel effet. Puis, le jardin, avec au fond, la perspective lointaine d’une route qui serpente entre les arbres au-dessus d’un vallon. Enfin la prison, un peu trop vite plantée sans doute, ce qui nous donna l’occasion d’apercevoir quelques ficelles – les ficelles du théâtre. En somme, décors fort bien brossés, de belle allure et qui n’ont qu’un défaut : celui d’être anonymes.

     Comme l’entracte finissait et que nous parlions des costumes très frais et très élégants – ils sont de chez Monrose – le vieil abonné me prit à part ; et, confidentiel : - Avez-vous vu la harpe ? - ??? – Allez-y voir. J’y fus et ne vis rien, et comme j’exprimais mon étonnement à mon ami : - C’est, dit-il, que vous ne regardâtes pas bien (mon ami a des lettres) il y a une harpe ; seulement, en raison de la température et de la délicatesse de l’instrument – ces harpes sont fragiles autant que de jolies femmes – on l’enferma dans une caisse en bois noir. On allait l’y laisser, mais on s’aperçut qu’on ne s’en pouvait servir ; alors on y ajusta quelques leviers et quelques touches sur lesquelles tape avec ardeur le monsieur que vous voyez là-bas !... Et le vieil abonné s’en fut me laissant stupéfaite ! Quand j’étais jeune, pensais-je on appelait cela un piano ! mais on a tout changé, mon pauvre monsieur, depuis M. Wagner.

                                                                                                                                                                                                                                                                 L’Ouvreuse
 

Journal de Fécamp du 16 juillet 1909 - avec l'aimable autorisation de Durand Imprimeurs

 

     La FILLE DU TAMBOUR-MAJOR, opérette en 3 actes, d’Offenbach :

 

     Le vieil abonné est radieux, il a eu, en pénétrant dans le théâtre comme un éblouissement : les monuments dénommés chapeaux par la mode avaient disparu de l’orchestre, et ce n’étaient aux stalles, que toilettes de soirée du meilleur goût et du plus bel effet. Il est vrai que les portes claquaient encore – oh ! ce bruit de commode de nuits ! – mais on ne peut gouter de bonheur sans mélange ; et comme dit l’autre, les plus belles roses ont leurs épines !

Des conversations que j’ai entendues à l’entracte, et que, sans scrupule, je vous transmets – je n’ai point de secret professionnel, mon sexe le défend – l’avis unanime était que c’était bien. Et l’on admirait particulièrement la fraîcheur des costumes. On signalait entre autres le bel habit de gala du signor Bambini  et la robe de soirée que portait si élégamment Mme Demanthe. On me faisait remarquer également la jolie toilette de chasse de Mme Gheylens et quelqu’un – je crois bien que c’était encore un vieil abonné - vantait tout haut la crânerie avec laquelle notre première chanteuse portait l’uniforme de cantinière et le travesti de cocher anglais qui lui va comme un gant. Mon Dieu, si toutes les femmes cochères …!

     Et l’entrée des français à Milan ? voilà qui valait son pesant de programmes ! avez-vous admiré la prestance de Monthabor, et l’ardeur de Griolet, tapin, à rouler des raflafla sur la peau d’âne. Et à propos d’âne, comme il était gentil le petit martin, qui vint, très froidement, boire sa goutte, sur le plateau au premier acte. Il avait l’air un peu dépaysé, mais comme il jouait naturellement ! Hein ! ce que c’est tout de même que l’instinct animal ! Et le manque de place m’oblige encore à ne pas vous signaler les rires homériques soulevés par M. Ometz. Oh mais il a eu un très gros succès – méninges et salutations.

L'Ouvreuse
 

Journal de Fécamp du 19 juillet 1909 - avec l'aimable autorisation de Durand Imprimeurs
 

    MIREILLE, opéra-comique en 4 actes de Charles Gounod : 

 

    Victoire ! cette fois, nous tenons le bonheur sans mélange, et nous pûmes entendre la partition de Mireille sans être incommodés par ce bruit de portes claquant perpétuellement, avec ensemble, l’une après l’autre, comme le “reposez armes” d’une compagnie de bleus. Victoire aussi pour la direction qui a enfin les jeux. Aussi la salle des fêtes a-t-elle pris, mercredi soir, le caractère qu’elle doit avoir pendant toute la saison. Les tableaux furent très entourés, et le traditionnel “faites vos jeux” retentit à nos oreilles dès que le rideau du 1eracte fut tombé…non sans quelque peine. Les petits chevaux m’ont privé d’ailleurs des confidences du vieil abonné. Ces vieux sont d’un ingrat…

     Décidément l’habitude s’ancre de plus en plus ici de venir au Casino en toilette de soirée : ce n’est peut-être pas très “plage” mais c’est très chic. Cela nous permet d’admirer des toilettes ravissantes ; et la salle y gagne un cachet d’élégance que ne parviendront jamais à donner les complets anglais et les robes dites “bains de mer.”
Mais il faut bien que je vous parle un peu de Mireille et surtout de ce décor du quatre, toujours aussi bien brossé qu’anonyme. Ce coin de montagnes appelait le Val d’enfer ; quel dommage que la musique en ait été remplacée par ce silence avec point d’orgue que les musiciens appellent entracte. Et je termine non sans vous signaler une création qui va prochainement avoir lieu au Casino, sous le titre : “le lever d’un rideau ou les tribulations d’un chef d’orchestre”. On rira !

L'Ouvreuse
 

Journal de Fécamp du 22 juillet 1909 - avec l'aimable autorisation de Durand Imprimeurs


     La Saison, va se “terminer en beauté” à la grande satisfaction de tous, après deux Saisons difficiles l’établissement semble retrouver sa “vitesse de croisière”?

 

      La représentation d’hier vendredi – hélas ! une des dernières de la saison, - a été l’occasion d’un nouveau triomphe pour notre sympathique directeur, M. Dupeyron, artiste consciencieux dont la réputation comme chanteur et comme professeur est établie depuis longtemps. Dans le trio de Guillaume Tell, il a retrouvé le succès qui l’avait accueilli une première fois dans le rôle de Turridu. Avec quel accent de sincérité, quelle pureté de voix, et surtout avec quelle puissance il a fait éclater les fières paroles d’Arnold “aux camps règne la loyauté…la gloire remplace ainsi la liberté !
     Il fut admirablement secondé par ses partenaires, l’excellent baryton de la Scala de milan, M. Ughetto, un Guillaume plein d’autorité, dont la voix sonne généreusement, et que de plus, il conduit avec beaucoup d’habileté. M. Courtois, du grand Théâtre de Lyon complétait un ensemble parfait en tout point. Au baisser du rideau, une ovation prolongée a dit à ces artistes merveilleux tout le plaisir éprouvé et à M. Dupeyron combien ses fidèles abonnés apprécient les très louables efforts et sacrifices qu’il s’est imposé au cours de cette saison pour les satisfaire.
     Dans une 1ère partie de concert, MM. de Beer, dans des chansonnettes comiques, le spirituel Ometz, dans ses poésies délicatement détaillées, Walter-Britton, violoncelliste, dans une mélodie et étude caprice, ont recueilli une ample moisson d’applaudissements. La charmante et spirituelle comédie en un acte de notre concitoyen, M. Toutain, prestement enlevée par M. et Mme de Beer, mme Demanthe et M. Ometz, a retrouvé le même accueil flatteur qu’à la première représentation.

     Le temps me manque pour rendre compte, comme je le voudrais, de l’intéressante représentation de Philémon de Baucis, où notre intelligente et charmante première chanteuse légère, Mlle Dreux, à la voix si séduisante et au jeu plein de tendresse et d’enjouement, a su nous enchanter pendant ces deux actes ravissants de fraîcheur et de poésie ; elle s’est montée coquette et mutine à ravir à la scène du baiser, radieuse et sculpturale, très belle d’attitudes et de lignes dans son somptueux et gracieux costume grec.
      Les airs, duos, trios et quatuors se succèdent sans interruption ; partout nous sommes charmés par Mlle Dreux et par M. Cèbe, son indispensable compagnon Philémon, toujours artiste consciencieux et chanteur habile à l’organe bien timbré et savamment conduit par M. Chadal, un Jupiter superbe et charmeur, aussi bon comédien que chanteur expert ; enfin par M. Durand qui a obtenu un succès tout à fait personnel dans le rôle ingrat du piteux Vulcain, bafoué par Venus et tous les dieux de l’Olympe.
     On a beaucoup applaudi le duo charmant : “Du repos voici l’heure” et la gentille et sentimentale romance de Baucis : “Philémon m’aimerait encore” et les couplets de Vulcain.

     En résumé, la saison théâtrale se termine sur un ensemble de représentations qui font honneur au bon goût et aux soins intelligents et attentifs de la direction de notre scène estivale et nul doute qu’abonnés et spectateurs n’en conservent longtemps d’inoubliables impressions.

Intérim.

 
     Ce soir, Grand bal, demain dimanche, en matinée, à la demande générale, Mignon, opéra-comique en 3 actes et 4 tableaux ; le soir, Carmen, opéra-comique en 4 actes.
La représentation de Carmen, demain dimanche, mérite d’être spécialement signalée. L’héroïne du drame de Bizet sera, en effet, incarnée par l’exquise madame Darey, dont on a pu apprécier, lors d’un récent concert la voix agréable et la science lyrique. Bonne soirée en perspective.

     Lundi 13 septembre : à la demande générale, représentation de Si J’étais Roi, opéra-comique en 3 actes et 4 tableaux.

 

 

Journal de Fécamp du 11 septembre 1909 - avec l'aimable autorisation de Durand Imprimeurs

 
 

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