FÉCAMP-FESTIF La Saison du Casino
Image extraite de l'affiche : Bains de mer de Fécamp de Charles Levy - Gallica site de la B.N.F.
 Page créée le 6 septembre 2016
     4. Les commentaires.

     Comment s’est déroulée cette première saison administrée par Eugène Lejolivet ? Eugène Dugard avait laissé son empreinte, on attendait beaucoup de cette nouvelle équipe, la programmation annoncée, laissait espérer, une saison riche, voire très riche ! Quoi de mieux que les commentaires de fin de saison, pour faire le point. Leduc d’Harrans, nous commente les dernières représentations.
 

     J’ai déjà dit que la représentation de la Favorite, organisée jeudi dernier au bénéfice de M. Lejolivet, n’avait pas répondu aux espérances que j’avais cru pouvoir émettre ; l’œuvre de Donizetti a été jouée devant un public insuffisant. Encore une fois j’en exprime mon très grand regret. Le nouveau directeur du Casino de Fécamp, méritait un meilleur témoignage de gratitude de la part des habitués, pour l’activité dont il ne s’est pas départi toute cette saison. Mais faut-il accuser exclusivement le public ?

     La succession rapide et fréquente des représentations extraordinaires finit par lasser même les plus convaincus. Nous avons eu, le 8 août, un grand concert-spectacle dont l’opportunité a été suffisamment démontrée et, n’était l’attrait du programme de la représentation du 24 août au profit du Bureau de bienfaisance, celle-ci risquait déjà fort d’en pâtir.

    Je ne prétends pas en quelque question que ce soit, à une autorité “évangélique” – mais je ne crois pas me tromper beaucoup, ici, en disant que la représentation extraordinaire de jeudi dernier a légèrement souffert du succès des précédentes. Une de moins cela n’eut pas été un mal en la circonstance.

    À l’avenir, M. Lejolivet pourra se dire que, s’il est convenable de laisser la préséance aux pauvres, du moins il est prudent, la chose faite, d’obéir simplement aux principes d’une charité bien ordonnée.

La Plage Normande illustrée n°23 – 8 septembre 1887 

    Et pour suivre …..
 

     Le 14 septembre 1887 : Encore vingt-quatre heures et la saison théâtrale sera close à Fécamp. Depuis une semaine bientôt, le départ de M. Lejolivet et de son premier adjoint, M. Marcell, nous est annoncé ; seule la troupe est encore sur la brèche et toujours vaillante, toujours applaudie.

Dimanche, c’était une seconde de Rip, avec Mmes Guillon-Tauffenberger et Bony, MM. Perrin, Villeneuve et Guillon, au premier plan.

Lundi, le bénéfice de Melle Elise Tauffenberger réunissait – vous le croiriez peut-être – une chambrée énorme ? Malheureusement non, et de même que j’ai déploré, quelque temps avant, le fiasco infligé au directeur dans une circonstance analogue, aujourd’hui je me lamente d’égale façon sur celui qu’a subi la charmante artiste susnommée.
 

     Faut-il attribuer cela au refroidissement soudain de la température, à la pluie qui, mélancoliquement, rageusement parfois, s’épanche sur nos têtes ? Faut-il ….?  

     Mais à rien serviraient les suppositions. L’ingratitude du public n’a pas empêché Melle Elise d’être ordinaire – c’est-à-dire très agréable dans le rôle de Jeannette, de l’opéra-comique de V. Massé, choisi pour l’occasion…..

La Plage Normande illustrée n°25 – 15 septembre 1887 

 

     Finalement, tout fini bien !!!
 

15 septembre 1887 – La saison théâtrale vient de s’éteindre.

La soirée des adieux a été l’occasion, hier mercredi d’une distribution de bouquets et de couronnes qui, malgré un enthousiasme quelque peu de commande, était un hommage bien mérité à l’endroit des sympathiques artistes du Casino fécampois.
     On jouait, pour cette clôture, La Fille du Tambour-Major, où pouvaient se produire avec tous leurs avantages Mmes Tauffenberger et Bony et MM. Perrin, Villeneuve et Guillon : de fait, cela n’a pas manqué, et, pour récompenses, ces excellents artistes ont reçu des brassées de fleurs et des couronnes “colossales”.
     M. Lejolivet, directeur et chef d’orchestre a été l’objet d’une manifestation toute particulière. Avant le second acte, le rideau se levant nous a laissé apercevoir, sur une table, au milieu de la scène, un gracieux objet d’art de bronze, qui était un souvenir offert au nouveau directeur par ses abonnés. C’est du moins ce qu’avec une émotion justifiable est venu nous annoncer un délégué de l’administration municipale.
      Cet incident a même produit un quiproquo parmi les spectateurs non prévenus. Ainsi mon voisin, celui de droite, myope sans doute, me dit paraphrasant la fable connue : “Je vois bien quelque chose, mais je ne sais pour quelle cause, je ne distingue pas très bien : il y a une table et un objet dessus, n’est-ce pas ? C’est sans doute pour une séance de magie ?”

     La porte du fond de la scène s’ouvre et j’entends encore le voisin dire à mi-voix : “Ah ! voilà le magicien…”

     C’était le conseiller municipal, chargé de la difficultueuse mission de tourner à M. Lejolivet un gracieux compliment. Mon voisin, vite détrompé, se consola en riant le méchant homme ! – de l’émotion du faux magicien qui, suant et soufflant, désarticula enfin ces mots : Les abonnés, à M. Lejolivet pour sa bonne direction.”
     Il y eut alors une explosion de bravos, comme une décharge de mousqueterie qui part au commandement : Feu ! Dans le bruit, je perçus cette exclamation du voisin : “Il est en redingote !” – nouvelle ironie à l’endroit du prétendu magicien, qui s’éclipsait derrière le décor. Décidemment, le voisin était gai – mais cruel.

      Et pour une soirée de clôture, c’était une clôture originale.

      De là vient que mon compte-rendu, de clôture également, revêt une forme humoristique où ne gît, croyez m’en, pas même l’ombre d’un sarcasme.
Il n’en reste pas moins vrai que, pour moi comme pour tout le monde, les ovations faites à M. Lejolivet et à son excellente troupe étaient choses dues ; et c’est de grand cœur que je leur adresse une dernière fois, jusqu’à la saison prochaine, l’expression de ma sympathie.

Leduc d’Harrans
    

La Plage Normande illustrée n°26 – 18 septembre 1887 

Les numéros de La plage Normande Illustrée cités en référence, sont issus d'une collection,
aimablement mise à notre disposition par J.-P. Durand-Chédru.



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