FÉCAMP-FESTIF - La FÊTE DANS LA RUE  - Les fêtes des fleurs
Page créée le 10 novembre 2017
 
    

      En conclusion du compte-rendu de cette “Fête des Reines” par René Guérin-Vénien (R. G.-V., Rédacteur en chef du Journal de Fécamp). Léo de Kerville, pour une raison que nous ignorons, vient rendre hommage à Théodore Botrel (1868-1925), ce célèbre Barde breton, était bien connu à Fécamp où avait donné de nombreux concerts au début du XXème siècle. Est-ce la raison ?

     Journal de Fécamp, samedi 22 et dimanche 23 juillet 1933

IMPROMPTU
 

     Si je vous disais que les Muses, bien qu’elles soient des divinités, sont aussi capricieuses et versatiles que nos mortelles compagnes, et que de plus elles disposent de ce que le poète propose, en seriez-vous étonné ? Si oui, oyez ce qu’il m’advint hier :

     Mêlé à la sémillante foule qui se pressait dans les rues de notre coquette citée, pour y admirer le féérique cortège fleuri qui les parcouraient aux accents des plus joyeux flonflons, j’étais enchanté, ravi et partant presque inspiré. Des vers dithyrambiques me montaient aux lèvres pour célébrer en des stances virgiliennes, les fleurs que Dieu semble avoir créées à deux fins : pour décorer son paradis terrestre et faire ressortir l’éclat de celle qui est la plus ravissante d’entre elles, de la femme. De grâce mesdames, ne me faites pas la moue pour cette hyperbole, puisque je m’appuie sur le poète qui a dit :

“La virginella e simile alla rosa”.


     Mais lorsque j’eus composé les méchants vers ci-dessous, l’inspiration m’abandonna :
 

Le temps, qui ce matin était

Prêt à nous faire grise mine,

Oyant qu’on le déblatérait

Se dit : il faut que j’illumine !

Et d’un geste aussi spontané

Que celui de l’aéropage,

Otant le voile de Phryné,

Il tira Phébus d’un nuage,

Pour que son sourire divin

Fasse éclore celui des reines ;

Pour qu’on n’effeuille pas en vain,

Les dives roses par centaine.

    

     Et c’est pourquoi les Jeux, les Grâces et les Ris, purent s’ébattre joyeusement dans nos murs, en cette relevée estivale de juillet, cependant que l’inspiration me faisait défaut. Pourquoi ? Parce que ma Muse, plus austère que mon cœur, s’était détournée de cet attrayant cortège, à seule fin de porter les yeux sur un ouvrage dont je ne pouvais détourner les miens. C’est que les mémoires posthumes du grand barde breton, qui m’honora de son estime, pendant quinze ans, m’étaient pour ainsi dire tombées du ciel ce jour-là. Et c’est de cet ouvrage que je voudrais vous entretenir aujourd’hui.
 

     Je n’ai pas l’insigne honneur de connaître monsieur Jules Renault, le préfacier des mémoires de Théodore Botrel, mais tout ce qu’il en dit m’est un précieux enseignement et j’en conclus qu’on ne pourrait avec plus de talent et de cœur, présenter au grand public, les mémoires de celui qui, étant d’une modestie exemplaire, écrivait :

Je ne suis qu’un barde rustique

Qui, libre, chante son refrain

En semant son modeste grain

Dans les sillons du Champ celtique.

Ecoute qui veut ma chanson,

Récolte qui veut ma moisson !

 
    

     Je prends néanmoins la liberté de lui adresser en ces lignes, l’assurance de ma profonde reconnaissance, pour tout le bien qu’il dit de celui qu’il qualifie si justement : “de chantre du bon Dieu et des pauvres”.

     Que ma plume soit incapable de trouver, en la forêt du Verbe, les mots que je me dois d’ajouter à cette préface, j’en conviens ! Toutefois je me contenterai de chanter sur le cistre : hosanna !.. hosanna au poète chrétien qui ne pêcha que par humilité ; au chantre qui ne dit si souvent “Kénavo” à sa chère Bretagne, que pour se mettre au service de la Charité, que pour s’en aller semer le bon grain à travers la France, la Belgique, la Suisse, la Hollande, le Canada et même jusqu’en Orient.

      Auditeurs de Radio-Normandie, qui eurent à plusieurs reprises l’heur d’entendre le doux Botrel, interpréter sur la scène de la Salle de l’Union, et pour la dernière fois, en novembre 1922, sur celle du Casino Municipal, ne vous est-il pas agéable d’entendre l’aimable speakerine annoncer qu’elle va passer un disque de Th. Botrel ? que ce soit “La Paimpolaise”, “Le Rouet”, ou “Par le petit doigt”, ne vous semble-t-il pas que cette voix de l’apôtre de la bonne chanson, du grand patriote, s’élève d’outre-tombe pour vous crier : “Vive la petite Patrie, gloire à la grande”.

     

     À seule fin de le connaitre plus intimement et pour que son souvenir vive en vos cœurs, lisez :  “Les Mémoires d’un Barde Breton”.  (Edition P. Lethielleux, 10, rue Cassette, Paris. In-8e broché, 12 francs.

                                                                                                                                                                                                    Léo de Kerville.