ÉCAMP-FESTIF - La FÊTE EN SALLE
Page créée le : 26 février 2017
 

QUATRIÈME TABLEAU


     Le rideau se relève une dernière fois découvrant, dans le clair-obscur d’une aurore encore indécise, le curieux tableau de l’Exposition. Il reproduit fidèlement, grâce à l’habileté très avertie de maître Grugeon, l’une des salles que tout le monde se plaît à reconnaître et à admirer. Un grand silence règne sur la scène, le jour parait lentement. Le compère et la commère sont assis sur un banc au pied de l’exposition de la maison Mail. C’est le réveil des fleurs ! ils se réjouissent d’être enfin seuls ; c’est l’idylle, après une journée…. Extraordinairement mouvementée !! et la chanson du Crépuscule, de Xavier Privas, prolonge agréablement pour eux, comme pour nous, cette douce extase !

     Fécamp-Pinard, qui s’était glissé, lui aussi dans l’exposition rompt le charme en apparaissant dans un costume … très primitif, mais flambant neuf, car il nous a bien semblé y distinguer encore l’étiquette de la maison du Petit Louvre.

     Il faut se réveiller bien vite, car voilà les ministres, M. Bignon (M. Jacques Malandain) fait en effet son entrée et manifeste tout d’abord sa surprise de ne pas être reçu par les représentants officiels de la Chambre de Commerce et de la municipalité ; mais il prend allégrement son part d’être accueilli aussi familièrement par de jeunes hôtes aussi aimables. Le compère et la commère s’offrent à lui comme cicérone ; ils leur révèlent qu’ils sont mariés depuis trois jours et M. Bignon, qui est Normand, et « qui sait comment il faut parler à des Normands », dépose gracieusement deux millions dans la corbeille de la mariée.

      La présentation des curiosités, des spécialités, voire des antiquités de la ville de Fécamp à Son Excellence, est encore un bon prétexte pour les faire défiler sous nos yeux et pour charmer nos oreilles par une succession presque ininterrompue de chansons, de romances et de refrains toujours choisis avec le meilleur goût, toujours alertes, gais ou savoureux.

     Ce furent, tour à tour, l’U.S.F. et Sporting-club, la rue des Limites-Paroissiales, très amusante satire – et pas méchante, je vous assure – des frontières un peu sévères qui délimitaient… autrefois… nos deux principales paroisses. Un étranger près de moi, demandait à sa voisine s’il en restait encore quelque chose aujourd’hui ??? Je n’ai pas entendu la réponse, mais la dame a souri !

      M. Bignon réapparaît, et mis en belle humeur par tant de fantaisie, se rend compte qu’il serait mieux dans le ton en chantant sur l’air des « Petits païens » de Phi-Phi, le discours – sans doute plus gave – qu’il avait préparé, et comme à Fécamp on fait plutôt la pêche au poisson frais, il constate que Fécamp se dessale !

       Et c’est enfin l’apothéose des sites et des monuments de Fécamp : Le Trou-au-Chien (M. Tronel, infatigable et toujours dans la note juste en ses diverses transformations) ; la Tour Guillaume Longue-Epée. Ici arrêtons-nous encore, bien qu’il se fasse fort tard, mais le costume de S. Lair est tout un poème. C’est tout purement du meilleur Offenbach ; on se croirait à la Belle Hélène !

     Figurez-vous ? – Mais non, venez donc plutôt le voir. Je recueillerai vos impressions, s’il vous reste assez de souffle pour me les communiquer.

     Ah ! Séverin ! Séverin, mon cher vous avez, sans trop en avoir l’air, trompé odieusement hier nos braves paysans en leur indiquant, en guise de vaccin curatif, des procédés vraiment trop extravagants ; mais vous pourriez bien être, cette fois, sans le savoir, un guérisseur émérite. Essayez donc de convoquer aux prochaines représentations de la « revue » tous les neurasthéniques qui peuvent être à votre connaissance. Il leur suffira de vous entendre et de vous voir sous cet accoutrement, pour que vous obteniez, de cette exhibition, des cures vraiment merveilleuses.

     Et voici encore le Château-fort du Bourg-Beaudoin, représenté par trois fringants petits mousquetaires, dont l’un, Mme Sylvia Bocquet, nous lance avec maestria l’air de bravoure des Mousquetaires au Couvent, dont le refrain, en mouvement de valse, est chanté par les Vieilles Maisons :
 

C’est nous les toutes vieilles masures,
Qu’habite seul, le souvenir,
Pour égayer nos tristes figures,
Vienne l’amour nous rajeunir !

 
     L’amour revient à cet appel. Tout le monde est revenu d’ailleurs. Tous les excellents interprètes, et la nombreuse et vaillante figuration sont là, pittoresquement groupés autour de la gracieuse commère et de l’élégant compère, qui entonne d’une voix claironnante, où l’on sent toute la griserie du succès, le couplet final, et tous, artistes, choristes et orchestre donnent avec ensemble à l’entrainant refrain qui résume admirablement l’œuvre charmante des spirituels auteurs :C’est Fécamp tout heureux

 

C’est Fécamp sans morsure ni ruse
Qui passe sous vos yeux !
Fécamp s’amuse !...

 
      Ce refrain d’apothéose fut salué par les bravos enthousiastes des spectateurs et eut les honneurs du bis. Une nouvelle ovation accueille cette deuxième audition, et de tous les coins de la salle on acclame les auteurs, MM. Robert-Robert et Maurice-Ailly, que l’on réclame avec insistance jusqu’à ce qu’ils aient consenti à paraître au milieu de leurs interprètes qu’ils remercient publiquement avec beaucoup de cordialité.


 

L'INTERPTRÉTATION

 

     Elle fut à la hauteur de sa tâche, c’est-à-dire qu’elle fut en tous points excellente. Nous avons déjà dit, au cours de ce compte-rendu, tout le mérite des principaux interprètes. Redisons, à nouveau, nos plus chaleureuses félicitations et nos remerciements :

 

- A Mme Clébant, une commère charmante, à la diction enjouée, tenant bien la scène, chanteuse à la voix agréable, disant avec beaucoup de sentiment et de naturel.
 

- A M. Maurice Braquehaie, très élégant compère, fort à l’aise dans les différentes situations où son bel organe et sa façon savoureuse de dire la chanson – les auteurs le savaient bien – ont été largement mis à contribution. Il n’éprouve aucune difficulté à faire applaudir avec enthousiasme de jolis airs de bravoure, d’aimables rondeaux et les nombreux airs à succès semés à profusion dans la partition. Son succès, escompté d’avance, fut très vif, et nous sommes heureux de joindre nos félicitations personnelles à celles qu’il a reçues de tous côtés.
 

- A Mme Sylvia Bocquet, pleine de gaieté de crânerie, toujours chanteuse experte et dont la voix rivalise avec celle de nos meilleures chanteuses d’opérette. Sa mimique expressive, son entrain débordant sont de tous les instants.
 

- A Mlle Petit, comédienne très consciencieuse, qui a joué les paysanneries avec beaucoup de naturel, ce qui ne l’a pas empêchée de nous donner une image parfaite de l’administration, toujours un peu tatillonne et souvent exigeante. Elle fut aussi, avec beaucoup d’à-propos, la joyeuse et quelque peu irascible compagne de Fécamp-Pinard.
 

 - A Mlle Renée Grenier, dont la voix souple, bien timbrée et d’un accent prenant, nous l’avons dit plus haut, a été très goûtée du public.
 

- A M. Séverin Lair, notre désopilant comique, qui a depuis longtemps conquis le public fécampois ; accordons lui encore un bravo bien mérité, à partager avec Mme Clébant et l’orchestre pour l’originale et adroite interprétation du duo des Dragons de Villars. M. Séverin Lair incarne des personnages forts drôles et sait en tirer toujours le meilleur parti.

- A M.
 Tronel, qui fut un comédien superbe, au jeu très varié et très intelligent, disant bien la chanson à couplets, et tenant admirablement la scène. Nous savons également toute la part active que depuis longtemps il apporte avec le plus grand dévouement à l’organisation générale, dévouement qui a été consacré, en octobre dernier, par son élection au bureau, à titre d’administrateur de la section comédie.
 

- A Mlle Hélène Jouan, bonne diseuse dans les rôles variés de villageoise, U.S.F. et une vieille maison.
 

- A M. Marcel Gillet, très drôle dans ses différents rôles du Bal du Trou-Madame, du chauffeur Coquais (oh ! très bien) et du ballon.
 

- A M. Jean Lebon, amusant Hôtel des Postes, agréable Pierrot, paysan madré et arbitre consciencieux.
 

- A M. Marcel Bodini, nègre-brouillard très drolatique, mousquetaire imposant.
 

 - A M. Jacques Malandain, qui nous a donné avec beaucoup d’aisance et suffisamment solennelle d’un sous-ministre sympathique. Sa chanson-discours sur Phi-Phi lui a valu des applaudissements mérités.
 

- A M. René Prud’homme, un comédien d’avenir qu’il faudra suivre.

 

     Citons encore Mlles Lucette Tellier, Lucienne Panel, Marthe Leymann, Renée Deschamps, France Dufresne, Marthe Ribot, Yvonne Jouan, Marthe Loisel et Bernadette Rendu ; MM. René Frébourg, Robert Cherfils, Tiercelin, Jean Duchemin, Levaillant, Allain, les pompiers, musiciens, gymnastes, dont le concours adroit et dévoué a été très précieux. Toutes et tous ont largement contribué, tant dans les chœurs bien enlevés que dans les jeux de scène bien réalisés, au complet succès de la Revue.
 

     L’Orchestre, qui avait déjà donné maintes preuves de sa maîtrise, a joué sous l’habile direction de M. Verhaeghen, avec beaucoup de délicatesse une partition chargée, où il y a de la vraie musique. Son jeu a été fort brillant. Qu’il reçoive ici les compliments que tous lui adressent sans réserve.
 

     Nous avons déjà dit la beauté des décors, la luminosité d’une richesse éblouissante, brossés par M. Grugeon, avec le talent qu’on lui connait depuis que l’on fait des revues à la Symphonie. M. Grugeon s’est encore surpassé. Qu’il soit aussi complimenté, ainsi que M. Alphonse Lebon, pour les heureuses plantations et pour l’ingénieuse mise en place des accessoires de la scène. A M. Marc Sim, dont le pinceau est aussi fort habile. Il a brossé, et très ingénieusement décomposé, pour sa reconstitution sur la scène, l’œuvre due au talent délicieux de M. René Legros, vice-président de l’Association des Amis du Vieux-Fécamp qui lui est redevable de bon nombre de savantes et très artistiques restitutions des sites et des monuments moyenâgeux de notre vieille cité.
 

     M. Renault, coiffeur-grimeur, travaille loin des feux de la rampe. Nous lui devons quand même nos chaleureux compliments pour le labeur artistique qu’il a produit : qu’on veuille bien se rappeler ses silhouettes, criantes de vérité : celles de notre garde champêtre, du capitaine de pompiers, du maire de Goderville, celle d’un de nos sympathiques directeurs de garage et tant d’autres physionomies si réussies.
 

     De plus, les membres de la Symphonie amicale lui savent un gré infini du dévouement qu’il a apporté à l’œuvre commune en assumant la tâche si laborieuse de dactylographier de nombreux exemplaires du livret, et de fournir diverses copies musicales indispensables à la mise sur pied et à la bonne marche des répétitions.
 

     M. Gillet père, qu’on ne voit pas non plus, a rempli très utilement son rôle si apprécié des artistes : celui de souffleur. Ce rôle commence d’ailleurs bien avant sa première descente dans le fameux trou, car M. Gillet est très utilement de toutes les répétitions.

Tous sont unanimes pour réclamer de nous les félicitations qu’il mérite si bien. M. Charles Mail, horticulteur, a présidé avec le bon goût qu’on lui connait, à la décoration florale de la scène et de la rampe, qui a été très admirée. La Symphonie lui est reconnaissante de cette attention délicate.
 

     Ce qui fut aussi admiré, c’est la richesse, la fraîcheur et le nombre des costumes fournis par la maison La Poulle du Havre. Tout fut parfait ; aussi ne saurait-on trop féliciter M. le Président de la Symphonie, et ses dévoués collaborateurs : M. Séverin Lair, régisseur général, et M. Henry Ledun, qui faisait ses débuts comme régisseur de scène, avec beaucoup de tact et d’activité. Nous pensons n’avoir omis personne ; en tout cas, à toutes, à tous, encore une fois bravo !
 

     La Symphonie tient avec Quand Fécamp s’amuse un vrai et durable succès. Le talent des auteurs, les efforts de la direction et des membres de la Symphonie, l’entrain des interprètes, la joliesse de la musique, la tenue parfaite de la revue méritent que le public fécampois et des environs viennent nombreux aux représentations qui vont suivre.
 

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