FÉCAMP-FESTIF La saison balnéaire
Page créée le 30 décembre 2016

        Quoi de mieux que le compte-rendu "écrit à chaud", dans le Journal de Fécamp du 25 août 1873 :

      La Société des courses vient d’avoir une heureuse idée. Son programme du dimanche 24 août ne comprenait jusqu’alors que des luttes hippiques, fort attrayantes assurément, qui ne devaient se prolonger guère au-delà de cinq heures de l’après-midi.

       Elle vient d’y ajouter une fête de nuit qui ramènera la foule vers le casino, il y aura à cet établissement un grand concert sur la terrasse ; à 9 heures, feu d’artifice, illumination féérique, embrasement des chalets et des falaises. Une représentation théâtrale terminera la fête. Des omnibus stationneront à la sortie du casino pour conduire à la gare les personnes qui voudraient prendre le train de 9 heures 45.
 

       On dit, et cela est vrai le plus souvent que des débuts d’entreprise, dépend son succès à venir. À ce compte, la Société des Courses de Fécamp serait appelée à de longs jours de prospérité, car sa première journée a été réussie comme on ne pouvait souhaiter mieux.

Un grand nombre de sportsman, prenant pour ainsi dire la jeune société sous leur patronage, se trouvaient au rendez-vous qui leur avait été donné. Ils n’ont eu qu’à faire l’éloge du nouvel hippodrome et des dispositions prises pour les recevoir.

       L’endroit, d’ailleurs, ne s’était jamais trouvé à pareille fête. Le chemin qui gravit la côte et sans lequel on n’eût jamais songé certainement à réunir là les turfistes de la région, avait bien été visité par des masses de piétons se rendant en pèlerinage à la chapelle de la Vierge, mais jamais il n’avait vu le défilé de ces équipages nombreux qui sont venus dimanche se placer au milieu de la piste et l’animer.

Le temps était lourd ; il y avait de l’orage dans l’air ; cette circonstance a bien pu faire hésiter les moins braves ; néanmoins avant l’heure fixée pour les premiers départs, les vastes tribunes étaient envahies par une foule considérable, et à laquelle notre colonie de baigneurs fournissait un brillant et large contingent.
 

      Nous avons dit quelques mots déjà du magnifique panorama qui se déroule sous les yeux du spectateur après son ascension sur ce môle gigantesque. En attendant l’entrée en lice des chevaux engagés, nous avons voulu donner encore un coup d’œil à ce tableau vraiment digne d’attirer les regards, et de faire oublier les fatigues de la route.

       C’est d’un côté la mer sans limites, à gauche les falaises avec ses échancrures, Renneville, Grainval, Yport et à l’extrémité, Etretat avec ses portes et ses aiguilles ; plus à gauche encore, Vattetot, Froberville, Saint-Léonard, le Val-aux-Clercs ; en tournant toujours, Ganzeville, Toussaint et la vallée de Valmont ; puis plus près les quartiers excentriques de la ville avec leur plantureuse végétation et la ville elle-même, les bassins et l’avant-port.

       Il n’a fallu rien de moins que le signal de l’entrée des chevaux sur la piste pour nous arracher à ce charmant tableau. En reportant nos yeux vers le champ de courses, nous apercevons sur une petite tribune les juges de vamp, M. Dubois, président de la société, M. du Douët, vice-président et M. Smith, secrétaire. Les commissaires s’agitent, M. Georges Bellet fait ouvrir les barrières et M. Georges Rosenlecher agite un drapeau qui rallie les coureurs et le départ s’effectue en bon ordre.
 

      Un mouvement de curiosité se remarque dans toutes les tribunes à ce premier départ, et l’intérêt devient plus vif à mesure que la distance est parcourue, Champion arrive premier en 6 m. 31 s., suivi de Roquette qui arrive deuxième en 6 m. 52 s. Les applaudissements éclatent de toutes parts à ce premier succès.

       Les autres courses viennent ensuite dans l’ordre indiqué au programme et ne sont qu’interrompues par l’orage qui menaçait et qui vient fondre sur les spectateurs. Très-bien affronté par le public des tribunes, qui n’a rien à redouter de la pluie, il jette le désordre à l’intérieur de la piste ou d’aucuns vont chercher un abri sous des tas de blé en gerbes demeurés sur le sol. Nous devons reconnaître ce sentiment charitable chez les personnes à l’abri de l’ondée ; c’est que nulle n’a songé dans ce moment à rire de ceux que la malchance livrait sans défense aux coups de cet orage. Le tableau ne manquait pas de pittoresque, cependant. Mais n’allons pas en rire nous-même. En dix minutes, d’ailleurs, tout était fini.  Les courses se terminaient avec ces résultats.
 

      Au retour, le défilé s’est effectué dans le plus grand ordre et sans donner lieu à aucun incident regrettable.
 

      Nous ne voulons pas terminer ce compte rendu, sans adresser aux membres de la nouvelle société qui se sont le plus particulièrement dévoués à la réussite de l’entreprise, nos plus sincères félicitions. Il n’est pas besoin de citer les noms ici. Chacun les a vus à l’œuvre et a pu apprécier la part qui leur revient dans les résultats obtenus. Notre ville qui leur doit une journée de fête assurée pour l’avenir, ne leur marchandera pas son concours en tant qu’il pourra leur être utile pour soutenir la société dans des conditions financières qui assurent sa vitalité ; car si nous avons joui d’un spectacle inconnu jusqu’alors dans nos murs, nous ne savons encore jusqu’à quel point l’œuvre peut se suffire à elle-même.

       Les courses de dimanche n’auront peut-être pas donné, d’ailleurs à l’encaisse, tout le produit dont elles sont susceptibles. L’enceinte réservée n’était pas suffisamment défendue contre l’envahissement du public, qui sans songer au mal, bien certainement, n’a pas pris pour une barrière, qu’on peut franchir sans payer, la corde tendue autour de cette vaste arène. La pratique permettra de parer à cet inconvénient de détail qui causerait, en se continuant, un préjudice à la société et pourrait nuire à son existence.

       La journée s’est terminée par une fête de nuit donnée au casino et dont la société des Courses faisait encore les frais.
Ce n’est pas au point de vue seulement des améliorations à réaliser dans l’élevage du cheval que les courses offrent de l’intérêt. Elles présentent encore un avantage sous le rapport du perfectionnement à apporter au matériel roulant.

       On remarquait ainsi, dimanche, une voiture de course d’un nouveau genre fabriquée à Fécamp. Cette voiture, d’une extrême légèreté, est suspendue et pèse 20 kilos de moins que celles employées ordinairement. On nous dit qu’un amateur du département du Nord, sur le vu de ce spécimen, en a commandé une pareille au carrossier qui l’a fabriquée. Bonne réussite à la nouvelle marque fécampoise.
 

      Parmi les personnes qui ont voulu par leur présence donner un témoignage de sympathie à la Société des Courses, nous avons remarqué M. le général Robert, député, vice-président du Conseil général.