FÉCAMP-FESTIF - La fête en salle.
Page créée le 12 janvier 2017 - modifiée le 01.02.2018

   
   Journal de Fécamp : 15 novembre 1910

 
Une Première - AS-TU VU La COMÈTE ?...
 
Revue de M. Adrien Constantin

 

     Nul n’est prophète en son pays, dit la sagesse des nations. M. Adrien Constantin est un auteur heureux puisque deux fois il a su faire mentir le proverbe. L’an dernier déjà il avait vu notre population faire le plus favorable accueil à sa première œuvre, Fécamp-Trotte ! Cette année il vient de remporter un succès tout aussi grand, tout aussi justifié et sans aucun doute sa nouvelle revue est appelée à une destinée non moins brillante que celle de sa devancière. Les amis de M. Adrien Constantin s’en réjouiront et aux félicitations qu’ils lui ont adressées, ils nous permettront de joindre les nôtres et de nous associer aux applaudissements qui ont accueilli son œuvre dimanche dernier . . .  Il y eut foule, en effet, le soir de la première dans la salle du Val-aux-Clercs, et parmi le public, ce fut du lever à la chute du rideau une explosion continuelle de rires et de bravos. Des couplets furent redemandés, les noms de l’auteur et des interprètes furent acclamés ; bref, ce fut une belle soirée dont les échos méritent d’être enregistrés dans ce compte-rendu.
 


 

     As-tu vu la Comète ? n’est pas à proprement parler une revue locale, mais bien plutôt une opérette-revue ainsi que l’indiquent les affiches. Dans une petite ville comme Fécamp ce n’est point une tâche aisée que de trouver dans les faits locaux la matière de trois longs actes, surtout lorsque l’on imposé l’obligation de ne mécontenter personne et c’est pour cette raison, très probablement que l’auteur a voulu apporter dans sa revue une note un peu plus fantaisiste et lui donner par endroits le caractère d’une féerie. J’aurais mauvaise grâce à ne pas reconnaitre qu’il a fort bien fait et qu’il a su allier un dialogue, émaillé d’esprit et de fines réparties, a des couplets amusants, en même temps qu’il nous présentait sur une intrigue facile à suivre et sur une musique vive, joyeuse, facile à retenir, un juste mélange de tableaux locaux et de situations d’un comique très drôle.
     Je vous ai parlé d’une intrigue . . .  Elle existe en effet, reliant ainsi étroitement les uns aux autres les divers épisodes de l’action, les soudant ensemble le plus naturellement du monde, et je voudrais vous en donner ici une brève analyse, bien qu’il paraisse difficile de résumer en peu de mots ce qui occupe trois actes et quatre tableaux.

 

     Après l’ouverture ou reviennent suivant la formule les principaux airs de la partition, le rideau se lève sur la place Thiers. A la terrasse du Café des Colonnes des consommateurs s’entretiennent des événements du jour et Machinchouette nous apprends qu’il attend son ami, Théodore Pitou et sa charmante fiancée, Miss Daisy. Pitou c’est un jeune chasseur à cheval dont le congé de convalescence de trois mois lui permettra de quitter sa ville de garnison et Miss Daisy une petite Anglaise délurée, ce sera - vous l’avez deviné - la commère de la revue.

Nos voyageurs arrivent, en chantant leurs couplets de l’arrivée et Miss Daisy, dont la difficulté à comprendre les finesses de notre langue provoque une joyeuse hilarité, nous fait part de son désir de visiter notre bonne cité. L’action est nouée. Il ne reste plus qu’à faire défiler les curiosités de la ville. Successivement le Réverbère de la place Thiers, la Régie, la Source Gohier, le Château d’Eau, les Petites Bobonnes et le Vieux-Fécamp viennent nous exposer leurs doléances, quand des cris se font entendre : la Papa de la Comète fait son entrée et l’acte s’achève sur un défilé des plus gais.
 

     Le deuxième tableau nous transporte dans la chambre de Pitou. Les épanchements de nos deux amoureux, Pitou et Daisy, sont troublés par l’arrivée d’Ali-Baba, le chef des aviateurs de Jupiter chargé de venir chercher à Fécamp un remède capable de guérir le Maître des Dieux. Mais comme les affaires sérieuses n’empêchent pas de songer à celles du cœur, Ali-Baba, le malin compère, séduit par les charmes de Miss Daisy, lui déclare son amour. Bien plus il la décide de le suivre dans l’Olympe, après qu’il a endormi l’infortuné Pitou à l’aide d’un narcotique et aussi du parfum que dégagent les jolies fleurs de l’Olympe. Et nous avons là un chœur des fleurs, d’une très agréable facture et surtout une valse fleurie dont les couplets seront bientôt sur toutes les lèvres.
 

     Pendant que nos voyageurs vont préparer leur voyage vers la demeure céleste, restons a Fécamp et voyons ce qui s’y passe. C’est le soir de l’élection législative. Les électeurs se querellent avec la Période électorale et bien qu’ayant chacun un candidat différent, sont tous d’accord pour crier : Vive la République ! Il suffit de s’entendre, n’est-ce pas ? D’ailleurs ce jour de vote doit être un heureux jour. C’est du moins l’avis de Carnaval qui nous vante les avantages que son imagination sait trouver dans la période électorale. Carnaval a de l’esprit, nous n’en avions jamais douté, il nous le fait bien voir, même devant Miss Daisy et surtout devant le gaz et l’électricité. Leur conversation est interrompue par un air de marche funèbre. Hélas ! Dame Période électorale est tristement décédée . . . On va la mettre en terre par quatre z’électeurs.
 

     Le quatrième tableau, à la répétition générale, samedi soir, avait paru moins bien venu. L’action languissait quelque peu . . .  M. Adrien Constantin l’avait compris et n’avait pas hésité à lui faire subir de légères retouches. Il eut raison et ce tableau fut fort favorablement accueilli dimanche. Cet acte se passe au Paradis de Jupiter où les élus chantent, jouent et semblent mener une existence dépourvue d’ennui. Jupiter est souffrant et réclame continuellement sa camomille, pendant que Napoléon, le père Noé, Victor Hugo, Adam et Eve dissertent en attendant la venue d’Ali-Baba. L’aéroplane est signalé par le papa de la Comète. Nos voyageurs arrivent, apportant le fameux remède qui doit guérir Jupiter. On prépare le bain de varech. Daisy réclame son petit Théodore, et bientôt les vœux de Daisy et de Jupiter sont comblés, l’un est guéri et l’autre réveille son chasseur . . . Il ne reste plus qu’à regagner Fécamp, Carnaval est fatigué de l’Olympe et de ses habitants, les voyageurs regagnent leur aéroplane - un Blériot, s’il vous plaît - et les hôtes de Jupiter prennent congé de lui, pendant que se fait entendre les accords de la valse de l’aéroplane.
 

Les couplets
 

Ainsi s’achève As-tu vu la Comète ? dont j’aurais voulu vous dire plus fidèlement tout l’intérêt et vous signaler maintes trouvailles ingénieuses, depuis les fleurs et le . . . Nègre de l’Olympe jusqu’au brigadier de police si exactement silhouetté, mais je me souviens qu’il faut savoir « se borner » - a dit Boileau - et qu’il me reste à vous parler de l’interprétation.